Jonathan Pierce, la tête pensante de ce projet new-yorkais, a beau avoir la coiffure de Godefroy de MONTMIRAIL, porter des sapes qui sont le summum de la hype indie et gesticuler sur scène comme une tête à claques, il n'en demeure pas moins qu'il m'est profondément attachant, et ce depuis le début de son aventure musicale. L'atypique blondinet est surtout la preuve vivante que quête artistique et intégrité font parfois face au cynisme et à l'opportunisme gagnantes. En effet, les DRUMS ont été propulsés dès leur premier album comme l'un des nouveaux groupes phares de l'indie branchée à 2000%. Dans l'histoire dévolue à ce genre musical, ce groupe avait tout pour être l'archétype du feu de paille. Ce ne fut heureusement pas le cas.

Chez les DRUMS, le plus admirable n'est pas tant leur faculté à proposer des titres classiques qu'en délivrer d'efficaces. C'est la force de croire en leur bonne étoile et de ne surtout rien lâcher, de suivre leur voie, quitte à passer pour de superbes loosers. Selon votre tolérance, c'est la marque évidente d'un entêtement stérile ou d'une foi chevillée au corps sans faille. J'opte volontiers pour la seconde. Pierce à la sortie de Portamento est au bout du rouleau. Tournées incessantes, abandon du second guitariste Adam Kessler, les DRUMS sont si jeunes et déjà si proches de l'implosion. Le leader en profite également pour régler ses comptes avec ses parents (c'est sa maman inquiétante sur la pochette) qui l'ont éduqué dans la plus stricte religion.

Il en découle un disque subtilement autobiographique qui sous des atours légers demeure puissamment mélancolique. Ceci ne vous fait-il pas penser à quelqu'un? Non? Personne? Vraiment? Aux SMITHS évidemment ! La filiation est évidente. Pierce ne cache pas d'ailleurs son admiration pour les Mancuniens et un titre comme le hit "Money" aurait bien du mal à faire mentir cet amour. La voix de l'Américain rappelle celle de MORRISSEY dans ce qu'elle a de plus maniérée ou crispante pour certains, tandis que la guitare virevoltante se présente comme un hommage à celle de MARR. Là où les DRUMS sont finauds, c'est que même évidente, cette influence n'en est pas pour autant un poids.

Ainsi, le superbe "I Don't Know How To Love" avec sa déclaration déchirante à travers la guitare triste ne pourra faire que serrer encore un peu plus les cœurs d’artichauts et les éternels timides. Les Américains sortent volontiers la boîte à mouchoirs et pour peu que l'auditeur y soit réceptif, c'est du tout bon. L'émouvant "A Day" grâce à la voix de Pierce touche par sa belle simplicité. De simplicité, il en est toujours question avec les DRUMS. Leur ADN est pop et a donc pour résultat des morceaux courts, mélodieux et le plus souvent entêtants. Le soleil californien qui irradiait le premier album semble quant à lui bien loin maintenant.
Ses derniers rayons réchauffent le plat et surf "How It Ended", qui sonne comme une chute de studio du précédent effort, ou les nettement plus réussis et enjoués "I Need A Doctor" et "What You Were" où la rythmique endiablée vous ordonne instamment de bouger. C'est pourtant vers la sombre Angleterre que ce disque vous amène majoritairement. Avec les Américains, c'est parfois la caricature comme le démontre le mitigé "In The Cold" qui aurait gagné sans doute à développer davantage ses sombres claviers. Avec Pierce, on lit comme dans un livre ouvert. L'étrange et synthétique "Searching For Heaven" en est à ce titre une page des plus intéressantes.

Portamento s'avère être un journal intime qu'il ne faut surtout pas craindre de lire. Ses mots se marient parfaitement aux notes nostalgiques et émouvantes. Les DRUMS ont bien eu raison de persévérer. C'est tout simplement un beau disque de pop.