En 1987, Noel Rota, dit Helno, ex-LUCRATE MILK et choriste/clown au sein des BERURIER NOIR, regroupe autour de lui une bande de joyeux drilles issus principalement de la scène Punk, Rock alternatif parisienne, notamment des groupes LES OUVRIERS (Iza et Stéphane Mellino) et LES MAITRES (Laurent Gabriel et Jean-Marie Paulus).
L’idée de base est de pouvoir jouer partout, avec une logistique légère, ce qui explique le choix d’instruments principalement acoustiques. Pour ce qui est de l’orientation musicale, le groupe s’éloigne sensiblement des sonorités Punk Rock pour adopter un mélange très varié qui puise principalement dans la chanson réaliste française et les ambiances manouches, mais également dans le Raï, dans la Musette, dans le Flamenco.
On pourrait ainsi dire que dans le grand folklore de la zone mondiale, LES NEGRESSES VERTES est un peu le pendant tsigane de la MANO NEGRA avec lesquels ils partagent le même esprit Punk et festif, ainsi que la volonté de s’abreuver musicalement à des styles que l’on qualifiait alors de World Music. Une sorte de fusion de l’esprit de PIGALLE et de la MANO NEGRA, un fil tendu entre des musiques provenant de plusieurs continents.
Le tout avec un paradoxe surprenant : alors que la musique est plutôt festive et entraînante, à l’image de "Voilà l’été", les paroles sont majoritairement sombres, tristes, voire cruelles ("La faim des haricots", "Les yeux de ton père").
Ce dernier aspect semble gommé par l’allant qui anime les chansons composant cet album. Cela donne un disque assez gai et pêchu, à la musique très riche, notamment du fait de l’utilisation de nombreux instruments (guitares, percussions, accordéon, harmonica, cuivres…). Une richesse et une diversité que l’on retrouve dans les styles abordés : cela va d’ambiances typées guinguette ("Il"), en passant par des morceaux plus marqués par l’esprit tzigane ("L'homme des marais"), ou par une ambiance Bandas ("Les rablablas les roubliblis", "Marcelle Ratafia"). Mais également des morceau plus Rock ("La danse des négresses vertes") et d’autres empreints de colorations orientales ("Zobi la mouche").
Avec, à chaque fois, un sens du rythme et des arrangements musicaux assez impressionnants. Pourtant, il n’est pas certain que tous les musiciens soient des maîtres dans leurs domaines, même si le groupe comprend plusieurs 'touche à tout'. Mais la fusion de leurs qualités et défauts respectifs donne un résultat jubilatoire.

Ainsi, on ne peut pas réellement dire que Helno possède une jolie voix. Pourtant, sa gouaille passe plutôt bien, à tel point que c’est lui qui assure le chant sur les deux tubes issus de cet album : "Zobi la mouche" et "Voilà l'été", devenus depuis des classiques, en France comme à l’étranger.
On peut se demander pourquoi les tout aussi excellents, "L'homme des marais" et "La danse des négresses vertes" n’ont pas bénéficié du même parcours tant ces deux morceaux ont également l’étoffe de classiques.
De fait, même si toutes les chansons ne sont pas aussi incontournables, il faut bien reconnaître que le dispensable n’a pas beaucoup de place ici. Tout au plus peut-on émettre quelques réserves sur "Les rablablas les roubliblis", un peu brouillon et, dans une moindre mesure, sur "Hey Maria" (l’un des deux Bonus CD) qui manque un peu de caractère.
Mais l’ensemble sonne si frais, si entraînant, l’interprétation si habitée, si passionnée, que l’album s’écoute comme une grande bouffée d’air.
Et le succès que rencontre le groupe, comme l’album, s’avère amplement mérité, ce dernier s’écoulant à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires. De manière encore plus surprenante pour un disque aussi typé musicalement, ce succès ne se limita pas à la France.
Cela permit aux NEGRESSES VERTES de tourner largement dans le monde et de participer à des projets d’envergure internationale. Il se dit ainsi que MADONNA aurait exigé que le groupe apparaisse sur la Bande Originale du film Dick Tracy et que de cette demande serait né le titre "Mamma Mia". Mais je n’ai trouvé aucune trace de cette collaboration.
Quoiqu’il en soit, pour un coup d’essai, ce Mlah est un coup de maître et la formidable rampe de lancement d'un groupe aux contours variables.
Un album original, inspiré, accessible à tous, bien que proposé par des artistes issus de scènes bien plus confidentielles et marginales.

PS : si quelqu’un sait pourquoi Helno scande Carcassonne, Carcassonne sur "La danse des négresses vertes", je suis preneur.