Franchement, n’est-il pas sympatoche ce joli couple, les mains jointes, semblant communier autour d’un verre de pif (cet amour ne va pas durer aussi longtemps que les impôts) ? Ce genre de pochette proto Disco, la production américaine en sortait à la pelle au milieu des années 70.

Revenons à nos deux tourtereaux, à défaut de moutons. George et Gwen ont débuté au sein des Jivin’ Jets. A l’orée des sixties, George se découvre des talents et intègre la Marine, délaissant ainsi le micro. Démobilisé en 1967, George rejoint son groupe avant de tenter sa chance en duo avec Gwen Mosley, devenue entre temps Madame Gwen McCrae. Nos deux tourtereaux enregistrent alors pour le compte d’Henry Stone, propriétaire du label Alston distribué par Atlantic.
Au début des années 70, le couple enregistre une poignée de singles pour Alston dont "One of These Days" et "Three Hearts In a Triangle", mais malgré l’appui et la puissance commerciale d’Atlantic, les 45-tours ne connaissent aucun succès, le couple se transformant dès lors en choriste dans le studio d’Henry Stone à Hialeah, à un jet de caillou de Miami. Du couple, c’est Gwen qui sort du lot la première avec "Lead On Me", une reprise de Bobby BLAND, enregistrée sous la houlette du producteur Steve Alaimo pour la Columbia. Ce modeste succès persuade Henry Stone d’embaucher Gwen McCrae qui grave alors quelques faces pour Cat Records, filiale d’Alston. Les espoirs de Stone sont récompensés durant l’automne 1973, "For Your Love" s’installant de pied ferme dans le Top 20 Soul.
En 1974, Gwen met en boîte son premier album, épaulée par l’orchestre du KC & The SUNSHINE BAND d’Harry Wayne Casey. Alors qu’elle doit enregistrer "Rock Me Baby", nouvelle compo de Casey et Richard Finch, elle est en retard et c’est George, le mari, qui s’y colle, obtenant un succès retentissant à l’été 74, juste avant l’explosion Disco. Gwen prend aussitôt sa revanche avec "Rockin’ Chair", une compo de Clarence Reid qui lui vaut un premier grand succès, alors que la chanson a été refusée par Betty WRIGHT. Ces deux succès incitent Clarence Reid et Steve Alaimo à se rapprocher en studio avec Together, un recueil de duos. Mais peu à peu, le succès se tarit, à l’instar d’un amour qui ne peut survivre face aux déceptions musicales.
Gwen et George entreprennent par la suite une carrière en Angleterre, mais les deux anciens tourtereaux s'arrangent pour suivre des chemins bien séparés.

Si la pochette frontale semble nous orienter vers un répertoire Soul plus ou moins dédié à l’amour et au bonheur, le visuel dorsal retranscrit clairement l’époque avec les deux coupes afro et les fringues mid-seventies.
Si sur la pochette, les époux McCrae semblent vivre une symbiose amoureuse pleine de promesses, le grand artisan de ce recueil demeure Clarence Reid (alias Blowfly). Producteur, arrangeur, homme d’affaire, Reid est surtout un excellent auteur compositeur. Betty WRIGHT, Wilson PICKETT, Millie JACKSON, Joe Tex, Bobby Marchan ou Benny Latimore chanteront ses créations.

Dès "I’ll Do The Rockin’", on se trouve totalement immergé dans une ambiance Miami Soul. Les pizzicati de guitares, les percussions et les claviers nous renvoient irrémédiablement à une tonalité raccord avec KC & SUNSHINE BAND.
Les claviers de "You And I Were Made For Each Other" proposent un nappage digne d’un petit orchestre de cordes, tandis que le timbre de Gwen s’impose face au chant de son cher et tendre.
Avec ses quelques soupirs, "Mechanical Body" parvient à faire illusion grâce au chant volontaire de Gwen alors que George endosse un costard de faire-valoir. La mélodie de "I’m Coming At You" se révèle plus accrocheuse. Cette fois, George ne donne pas l’impression d’être juste venu pour relever les compteurs. Le couple s’emploie à donner le meilleur de lui-même, bien aidé par une orchestration évocatrice des Caraïbes et du Junkanoo bahaméen.
Co-écrit par le couple, Alaimo et Ray Martinez, "Let's Dance, Dance, Dance" conclut la face A sur une note très dansante et incorpore un bref passage de "That’s The Way (I Like It)", futur hit du Sunshine Band.
"Winners Together Or Losers Apart", morceau le plus long de l’album et le mieux classé dans les charts, se déguste comme une invective entre les deux chanteurs, tandis que les cuivres tentent de nuancer le dramatisme de la situation.
Si "Home Sick Love Sick" se cantonne encore dans un décor floridien, le titre vaut surtout par la voix puissante et pleine de feeling de Gwen McCrae. Malgré sa bonne volonté, et en dépit de l'apport d'une flûte, d’un nappage de violons et d'une Gwen témoignant d’un surplus d’humour, George ne parvient pas à faire décoller "The Rub".
Coécrit par Reid et Willie Clarke, producteur et percussionniste floridien, "Let Your Love Do The Talking" pourrait annoncer une prémonition. Ce titre respire à plein nez les influences de la Soul de Miami et de la future vague Disco.

Au moment de faire les comptes, si les pistes restent intrinsèquement solides, l’orchestration rompue au Miami Sound avec des incursions habiles vers les Iles des Caraïbes, et si le chant de Gwen demeure le meilleur atout, le manque d’accroche des titres s’avère être un redoutable frein au plaisir d’une écoute agréable. A l’image de sa pochette, certaines pistes sonnent vieillottes et un tiers d’entre elles pourraient être cataloguées de parodiques. A travers les différences de timbres des deux protagonistes, des dissensions irrémédiables semblent pointer leur nez, comme en gestation d'un malaise. L’instant de grâce de "Rock Me Baby" semble perdu à jamais.

Note un petit 2