Certains artistes se font connaître puis 'disparaissent', sans toutefois s'arrêter, pour mieux revenir. HAYLEN, bien qu'étant déjà passée par The Voice en 2016, je l'ai entendue pour la première fois la même année au sein de la comédie musicale Le Rouge et le Noir, avec sa belle voix un peu plus grave que d'autres chanteuses et qui s'accordait fort bien à des ballades parfois de qualité. Par la suite, au fil des ans, quelques vidéos ont permis de voir son évolution sur des scènes plus petites et dans un genre rock'n'roll/rockabilly qui lui allait encore mieux.

HAYLEN pourrait très bien se contenter d'un style 'revival' 50's & pin-up toujours en vogue auprès d'une certaine frange de la population, comme le font d'autres chanteuses françaises (pour ne parler que de notre rayon national, sinon c'est exponentiel) avec leurs groupes telles LOOLIE et CORA LYNN. Néanmoins, Blue Wine, son premier effort discographique solo en 2023, témoigne d'autre chose.

Ce qui pourrait n'être qu'un humble début avec une poignée de chansons formant un E.P allongé et un style minimaliste, suffisant pour découvrir l'artiste, surprend par sa réalisation classieuse, fouillée. Sans doute parce que tout a pu être mûri pendant des années, période Covid et tournée avec DIRE STRAITS EXPERIENCE l'année dernière incluses. La quasi-totalité des morceaux, Hélène Namvazarad dit HAYLEN les co-signe avec son guitariste Théo De Hond (à l'exception de "Scary Story" judicieusement emprunté à Imelda MAY et 'son' Darrel Higham) et le batteur-claviériste Félix Bourgeois capture tout cela à la Gallandière, son propre studio tourangeau.

La chaleur de la voix d'HAYLEN, plutôt dans les graves pour pas mal de morceaux, à commencer par "As a Child", s'accorde parfaitement bien aux tonalités soul/rhythm'n'blues mais également rockab' donc, et souvent même dans un style ultérieur aux années 50 si prisées des nostalgiques. Les arrangements vont eux aussi dans ce sens, et elle a beau citer Amy WINEHOUSE comme influence première, d'un avis de non-fan de la défunte prématurée, il y a ici une qualité telle qu'on ne peut que souhaiter à notre demoiselle une belle carrière internationale similaire et de plus longue durée.

HAYLEN et son entourage musical solide, en anglais et plus rarement en français, nous proposent des slow blues et autres ballades boiteuses-sensuelles dans le genre de "Si Jamais", agrémentée de cuivres, "Take Me By the River" toute en crescendo avec final en apesanteur et une chanteuse qui révèle mieux son falsetto ; "With You I Feel Alone" enfin, ses cordes (PARISIENNES QUATUOR) et son solo de guitare qui complètent joliment l'ensemble. Côté choeurs, on est servis avec finesse et "Take My Blues" débute par un si beau duo en acoustique que la chanson aurait clairement mérité deux versions différentes, puisque la suite présente une soul ensoleillée du plus bel effet également.

Les morceaux énergiques sont loin d'être en reste : il s'agit même du propos principal vu le nombre limité de ballades. Outre la reprise de "Scary Story" avec HAYLEN en meneuse idéale n'ayant point à envier sa consoeur irlandaise, une ambiance restituée par un orgue gémissant et des guitares cinglantes, chaque titre vaut le détour. Félix Bourgeois fournit un duo batterie-cowbell dont la teneur fait mouche sur les "As a Child" (rhythm'n'blues en diable) et "Ne Me Laisse Pas Seule Ce Soir" où l'on retient particulièrement l'apport gospel des choeurs dès l'accalmie suivie d'une formidable relancée, la 'belle' au chant n'ayant (ouf !) pas oublié totalement ses expériences variété.

"Greenman", sa contrebasse en 'walk' et son groove jazz imparable, font intervenir les cuivres, un solo de trompette bien senti. Plus loin, le r'n'b à l'ancienne, féminin au possible, de "U Got Me" et le blues'n'roll "Crazy 'Bout You" mettent davantage l'accent sur les saxophones. L'énergie se communique avec autant de force sur l'exotique hawaïen ou antillais et léger "My Sweet Loving", chaleureux, rehaussé par la présence d'une flûte traversière au milieu des cuivres.

Enfin, le titre d'ouverture "Secret Rhythm" et sa soul organique avait été choisi comme single avant-coureur, plutôt pertinent, pour dévoiler la cohésion du groupe, jusqu'au tandem HAYLEN-Théo De Hond aux guitares, elle plutôt Les Paul et lui Telecaster (brave monsieur !). Malgré tout, on ne peut qu'admirer voire favoriser "My Own Way" pour ses autres associations de choix (batterie-cowbell, basse d'Andrew Mazingue et guitare au diapason lors du bridge) et surtout son évidence en termes de tube qui, tout autant que "My Sweet Loving", devrait massivement se faire entendre sur les radios et dans un large rayon, si tout va bien. Ceci dit au sens archaïque de musicien se souvenant d'une époque lointaine, avant Auto-Tune et le reste.