Lorsqu'on prend un peu de recul, on constate alors que les musiques sombres durant les années 90 ont connu une situation paradoxale. Elles se sont souvent en effet dévoilées sous un visage peu amène alors qu'elles ont proposé des albums qui font partie sans conteste des grands classiques de ce mouvement toute période confondue. Il en va ainsi d'AUTUMN, un trio américain qui dès la sortie de cette première galette en 1997 fit d'emblée sensation. The Hating Tree s'inscrit pleinement dans l'Ethereal goth, courant éphémère qui, issu majoritairement de ce pays, a donné de très belles choses comme les essentiels SIDDAL ou THIS ASCENSION.

Même s'il faut couramment prendre une étiquette avec des pincettes, celle qui dessine les contours de cette niche musicale est plutôt bien trouvée. AUTUMN se caractérise ainsi par une voix féminine angéliquement noire et une musique qui doit beaucoup au Gothic rock même si ce dernier se présente sous son jour le moins brut et rêche. Autre point commun à toutes ces productions d'antan, une gourmandise certaine qui voit chaque album proposer le plus souvent plus d'une heure de musique, quitte parfois à distiller un peu de lassitude pour rester poli. The Hating Tree regroupe toutes ces particularités et ceci en fait par conséquent un exemple pertinent d'Ethereal goth.

Avec l'introductif "How It Came To Be This Way", l'auditeur se trouve dès les premières mesures happé par la puissance de la section rythmique et les guitares échevelées. La voix expressive de Julie Plante insuffle également à l'ensemble une belle énergie. C'est indéniablement l'un des points forts d'AUTUMN. C'est puissant sans être lourd. Son timbre particulier confère à la plupart des titres (le superbe et lancinant "Even Now" ou l'oriental "Desert Winds Of Jezebel") une forme d'intensité menaçante. L'Américaine tel un aigle noir semble nous survoler tranquillement en attendant de fondre sur nous, pauvres proies auditives. Elle module à merveille son timbre comme le soulignent le très SISTERS OF MERCY "A Waiting Time" pour ses guitares tranchantes ou l'enlevé "Resurection" que rien ne semble devoir arrêter.

Lorsque les Américains lèvent momentanément le pied, les atmosphères tissées, parfois pesantes, ne se dévoilent pas de suite. AUTUMN demande alors à celui qui l'écoute une attention certaine. C'est comme si les ombres fragiles se dissipaient. A ce titre, le lumineux "...Of Moondrop Tears" qui s'étire comme un jour sans fin avec son jeu de guitare tout en fluidité rappellera le COCTEAU TWINS le plus évanescent. La lenteur n'est pas pour autant ici monotonie. Le trio sait faire la différence, même si l’essoufflement est à la limite de l'effleurement. Cette alternance entre rock noir et effluves éthérées culmine avec le superbe et conclusif "The Hating Tree". Pendant plus de dix minutes sont exposés tous les éléments qui rendent ce groupe si attractif. L'Ethereal goth, c'est tout simplement ceci.

Avec The Hating Tree, AUTUMN est directement entré dans la cour des grands. Plus d'un quart de siècle après sa sortie, le temps n'a en rien terni son évidente beauté. Il en demeure en effet une plus que solide référence des musiques mélancoliques.