Ah, si les choses pouvaient être aussi simples qu'avec les Russes de BLANKENBERGE. Mon travail-plaisir sur Forces Parallèles serait à l'évidence amplement facilité. Pourquoi ? Tout simplement parce que décrire leur courte discographie ne demande pas d'effort particulier car elle est, du moins pour moi, quasi parfaite. Il suffirait juste de préciser que chacune de leur production depuis 2016 est une petite pépite shoegaze qui se drape également de belles couleurs pop et post-rock. Et voilà, le tour est joué. Vous pourriez me rétorquer que vous n'êtes cependant guère plus avancés. C'est vrai, mais le petit détail qui rend ce groupe peu digne d’intérêt n'est objectivement pas facile à trouver. Allez, je fais un quand même un petit effort et vous lisez la suite ?

Les Saint-Petersbourgeois en peu d'années ont donc gagné dans cette petite sphère leurs galons de combo qui compte. Ceci est d'autant plus surprenant que la discrétion, voire l'absence totale de plan de communication semblent faire partie de leur identité. L'excitation suscitée par l'attente de la sortie d'Everything et la belle réception de No Sense le premier extrait paru au printemps dernier étaient pourtant bien présentes. Alors pourquoi tant d'attrait pour ce quatuor si peu expansif ? Je crois que celui-ci tient pour une large part à la capacité qu'à BLANKENBERGE à étourdir son auditeur par un assaut d'émotions à la fois fortes et douces sans pour autant le laisser définitivement exsangue. Une forme de juste équilibre. En quarante minutes et neuf titres, les Russes avec leur troisième album démontrent qu'il est encore possible de surprendre même en évoluant dans un style en apparence rigide et codifié.

Il y aura bien un unique bémol et encore, il sera léger. Pour ce nouvel opus, le conclusif "Fragile" tiendra ce rôle désagréable. Il sonne justement comme trop convenu et scolaire. Les changements de rythme cette fois-ci n'y feront rien. C'est un brin ennuyeux, mais pour le reste, c'est certain,Everything a de quoi vous faire maintenir une attention de tous les instants. Pour revenir sur cette notion subjective d'équilibre et l'appuyer quand même un peu, les directs "No Sense" et "Different" se posent là. Les Russes exposent ici une subtile alliance. La douceur de la voix angélique de Yana Guselnikova vient se confronter aux guitares tournoyantes qui forment une superbe spirale sonore. Ce n'est pas un combat. Simplement une recherche d'osmose où chaque détail est à l'évidence parfaitement à sa place. Les oreilles en prennent un peu pour leur grade mais c'est tout simplement addictif et l'album se doit naturellement d'être écouté fort, voire très fort.

Si Everything nous rappellera parfois les notes chéries de SLOWDIVE (l'instrumental à vagues "Kites") ou celles des Japonais de MONO, les paysages sonores du groupe réussissent à s'épanouir en définitive par et pour eux-mêmes. Naissance d'une identité propre et d'un grand groupe ? A l'écoute des très belles architectures d'éther et de fer que sont "Forget" ou "Summer Morning", c'est un oui franc. BLANKENBERGE est devenu maître dans cette façon d'exposer naturellement dans un même titre éclats sonores impromptus et suavité accueillante. Lorsque le tempo ralentit comme pour mieux redémarrer, c'est l'occasion de prendre conscience de la section rythmique et de son inventivité. Elle impulse au travail des Russes une originalité bienvenue à l'image du poignant "So High". Autre bon point, le groupe ne craint donc pas de rendre mélancoliques ses textures abrasives. Ce n'est pas si courant. Le persuasif éponyme "Everything" vous enveloppera ainsi sans problème de sa tristesse électrifiée et enfoncera le clou.

Vous l'aurez sans doute compris, je suis un brin sensible à l'univers de BLANKENBERGE. Les Russes avec cet opus atypique, solide, fort en émotions contrastées confortent leur place de valeur sûre du mouvement shoegaze. Everything a tout pour devenir un classique pour les amoureux de cette scène et pour tous les autres d'ailleurs. Je rectifie, Everything est déjà en fait un classique.