Mais voyez donc cette couverture, quasi enfantine ! Le visionnaire qu’est Todd RUNDGREN a-t-il perdu de sa légendaire créativité pour ainsi tomber dans la simplicité la plus éhontée ? On pense bien que non, l’artiste reste égal à lui-même, toujours aussi touche-à-tout depuis son dernier album en date White Knight. N’ayez aucun doute, ce nouvel album va partir comme d’habitude dans tous les sens ! C’est comme ça avec Todd, systématiquement ! Cet opus est le 26ème de l’immense discographie du natif de Philadelphie, blindé de featuring en tous genres, comme vous allez voir !

L’éthéré "Puzzle" débute cette livraison 22 avec beaucoup de douceur, des sequencers qui donnent une ambiance onirique et plein de couleurs ainsi que la pochette souhaite le prouver. Un refrain pop de belle tenue, et on apprécie la jolie voix d’Adrian BELEW – KING CRIMSON -, on croirait presque David BOWIE si cela était possible, avec un solo d’Adrian très reconnaissable. Petite chansonnette tellement sixties, "I’m Leaving" sonne ensuite presque comme une plaisanterie imaginée par Paul MCCARTNEY avec son piano tressautant, toutes proportions gardées, tout ceci en compagnie des chéris de Long John Silver, les LEMON TWIGS. Bin oui, notre homme sait s’entourer !

Quelques titres majeurs : "Your Fandango" est probablement un des titres que je trouve le plus jouissif du lot. On n’est gère surpris de voir que les SPARKS sont de la partie. Cet aspect coquin, presque subversif, est tout à fait charmant et réussi. On touche au sublime de la psychiatrie sur la répétition du refrain, avec son petit côté baroque. Malgré les quatre E.P sortis par WEEZER cette année, River Cuomo trouve le moyen de dégager du temps pour participer à cet opus. Ainsi, il est sur "Down With The Ship", un titre de ska qui défonce sa race et sur lequel on ne peut s’empêcher de dodeliner de la tête comme un fumeur de ganja, même les SPECIALS n’auraient pas mieux fait ! De loin, le titre à retenir de cette livraison !

Le créateur de soixante-quatorze piges se paye même le luxe de nous balancer un "Shut The Fuck Up" dans la tronche à coups de gros riffs - c’est le félé Rick Nielsen de CHEAP TRICK à la gratte - bien seventies sur la magistrale "STFU", efficace et plein de morgue, presque punk dans l’esprit. Quand on connaît l’esthétique dont est épris cet homme, voilà qui est un sacré grand écart. Le beat de synthé de "Eco Warrior Goddess" nous renvoie à nouveaux aux années quatre-vingt, avec un chant posé représentatif de ces années. Tout ceci me rappelle le RUSH de l'époque Grace Under Pressure. On évolue entre AOR, progressif et new wave. Cette jolie composition se trouve illuminée par les belles interventions de Steve VAI qui s’impose avec maestria.

Le Kiwi Neil Finn a composé "Artist In Residence" pour Todd. Le leader de CROWDED HOUSE et de SPLITZ END propose ici une composition très eighties, normal vu son pedigree. On n'est pas étonné de retrouver le génial Thomas DOLBY sur la psychédélique "I’m Not Your Dog" qui se signale par la justesse de son ton, encore un titre qui aurait pu sortir de l’escarcelle de la décennie superficielle. Le ressac de la mer est permanent sur "Head In The Ocean", traversée en toute simplicité par quelques consonances new-wave à la MEN AT WORK.

La très soul funk de "Godiva Girl" est faite en compagnie des artistes de hip hop The ROOTS. "Someday", où apparaît l’australien Davey Lane, reste dans une mouvance pop funky. Bien plus moderne, "Espionnage" voit le rappeur canadien NARCY dans la place sur ce titre aux vibrations tribales, et qui fait toutefois la part belle à un R'n'B plutôt sympa.
Bref, on traverse une bonne portion du spectre musical de ces cinquante dernières années en compagnie de Todd RUNDGREN, qui le fait avec sa malice coutumière. Nous sommes sur une note entre 3 et 3,5 pour un disque agréable qui ne démérite jamais. Ecoutez donc "Down With The Ship" avant de partir.