Que faire quand, alors que vous êtes considéré comme le loustic le plus frappadingue de la tribu des dégénérés alcooliques de MADNESS, votre vie privée s'écroule soudainement, et que vous ne trouvez un refuge que dans la consommation excessive de stupéfiants divers et variés ? Qui va vous prendre au sérieux si vous quittez le giron de vos camarades de chambrée ? Pire, si vous vous mettez à écrire des chansons d'amour qui évoquent la tristesse alors que votre rayon d'action s'articulait autour de la fête, du houblon et de la rigolade. Pas simple... Sûrement pas ! C'est pourtant ici le pari relevé par Cathal SMYTH alias Chas Smash. Ne froncez pas les sourcils les gars vous le connaissez tous, second chanteur des icônes de la two tone, trompettiste et harmoniciste, l'homme qui éructe "Hey you ! Don't watch that watch this !" sur l'intro de la mythique "One step beyond". Ça y est ? Vous y êtes ?
Tout débute avec l'écoute si étrange de "You're not alone". Quand on connaît bien la disco des MADNESS, on constate illico qu'on est aux antipodes des considérations du groupe Londonien. Un piano, lent, presque funèbre mais d'une troublante beauté soutient le chant de Chas, qu'on sent de suite fragile et tourmenté. La chanson s'élève peu à peu, soutenue par des cordes discrètes mais vibrantes et consistantes dans un crescendo subtil mais un rien tristounet. Construite sur le même modèle, "The wren's burial" ne concerne pas l'enterrement de l'architecte Christophen Wren à Saint Paul mais bien celui d'un oiseau mort. On reste dans la gaieté et la bonne humeur !

L'éponyme "A comfortable man", dans un tout autre genre évoquant la rigueur de l'Irlande traditionnelle, nous présente donc un nouvel artiste, à des centaines de lieux de l'amuseur public auparavant connu. Comme c'est drôle, la musique est vraiment l'art de toutes les surprises ! "Shabat she comes" est plus pop, sans doute la seule concession à un ton plus enjouée avec un refrain bien enlevé, mais les paroles restent toujours aussi pleines de tristesse "quelle joie trouver ici" ? Une belle mélodie qui fait honneur au talent de compositeur du trompettiste de MADNESS. "A requiem of common sense" est une véritable marche funêtre qui ne ravira sans doute pas les amateurs de dancefloors, mais qui ne laissera toutefois pas insensibles les amateurs de musique en général. Car il faut admettre que c'est plutôt réussi. L'émotion circule, et la voix de Cathal fait le reste avec brio."Goodbye planet earth" présente un chant presque chuchoté, comme s'il fallait être discret sur les problèmes écologiques qu'il y évoque.

Et puis le drame personnel de Cathal, le divorce qui l'amène à s'interroger sans cesse sur l'amour. "Do you believe in love", sur une mélodie simple et entraînante, pose la question sans plus de cérémonie. Le joli refrain rappelle certaines chansons des BEATLES, on a vu pire comparaison.
Les deux "Love song", la numéro 7 incarne une tristesse infinie, il y décrit son coeur en morceaux, ses journées vides, son esprit tourmenté. Triste mais jolie. La numéro 9 est toute de lancinance, presque inaudible, et baigne dans une ambiance qui rappellera à nouveau certaines envolées McCartneyenne. La souffrance du coeur brisé de Cathal SMITH ne fait pas de doute, et les chansons symbolisent à merveille les épreuves qu'il traverse. Il réaffirme pourtant la puissance de ses sentiments sur "All my lovin". Le titre "Are the children happy" stigmatise l'inquiétude qui le gagne sur les enfants et l'incapacité à communiquer avec sa femme.

L'expérience est traumatisante car on ne ressort pas tout à fait indemne de ce moment passé en la charmante compagnie de Cathal SMYTH. A des années lumières au delà de l'infini des MADNESS, voila un projet sombre mais d'une forte puissance évocatrice. Vivement conseillé, sauf en cas de déprime chronique.