Méconnu, sous-estimé, injustement bafoué, voilà les mots qui me viennent à l'esprit lorsque j'ai à parler de "Life Won't Wait". Parce que le groupe a fait preuve d'une recherche musicale apparemment plus approfondie, et a interprété un éventail encore plus large de styles musicaux, le public a renié cet album, qui est pourtant une mine d'or d'inspiration! En fait, le groupe n'a fait que mener à terme la démarche entreprise avec "And Out Come The Wolves". Influences ska sont de nouveau au rendez-vous (plus que jamais), mais l'album trouve également son lot de reggae, rockabilly, dub, hardcore et même de jazz. Bref, un album punk plutôt complet, comprenant une grande variété de genres, mais gardant une ligne directrice indélébile, rendant le groupe reconnaissable dès la première note. Enfin bref, à mon sens, cet album n'est nullement déconcertant pour un fan de Rancid typique, mais il semble qu'il l'ait été à l'époque...

Il est évident qu'il était presqu'inhumain de réitérer l'exploit que fut l'opus précédent. Toutefois, la formation s'en sort remarquablement bien, avec une galette encore plus innovante comportant son lot de titres accrocheurs, mais avouons-le, peut-être pas autant que sur "And Out Come The Wolves...". Commençons par les morceaux classiques de Rancid, car même si l'album est bien souvent catalogué de ska-punk, les morceaux classiques restent prédominants, mais empreints des multiples influences du groupe. Seulement ils sont moins remarquables que les autres, ceux qui exposent un style nouveau sans concessions.

Pas de surprises, du Rancid pure laine, tantôt agressif, tantôt plus calme, mais toujours hyper mélodique. On notera une participation plus active de Lark Frederiksen au chant, notamment sur "Bloodclot", le simple extrait de l'album, où l'excellent "Leicester Square" très stylé garage. Certains morceaux sont également presque hardcore tant ils sont rentre-dedans et courts. On n'a qu'à penser à "Black Lung", "Warsaw" ou "Backslide", purs moments de jouissance, aussi courts soient-ils. Mais assez parlé de punk classique. Ce qui m'a charmé de cet album, ce sont bien entendu les nombreuses innovations que la formation a apportées à sa musique. De nombreux morceaux ska, très intègres musicalement, mais avec un chant très agressif, histoire de nous rappeler qu'il s'agit bien de Rancid et non de The Clash ou The Specials, qui ont d'ailleurs collaboré à l'excellent "Hooligans", l'un des moments forts de l'album. Sinon, on retrouve un morceau qui frise le reggae, le titre éponyme, "Life Won't Wait", avec l'orgue omniprésente. Un morceau très calme, qui tranche dangereusement avec les voix de nos deux gueuleurs. Sinon, j'ai bien aimé l'audace de "Who Would've Thought", et ses relents jazz où alors "Corazon de Oro", très ska dans son ensemble. Tous des morceaux rafraîchissants, pourvus d'une dose d'inspiration assez convaincante.

En fait, l'album n'est pas si ska qu'on peut se l'imaginer... Ce sont seulement des clins d'oeil fréquents au style que le groupe apporte. "New Dress" ou "Hoover Street" en sont d'assez bons témoignagnes. Le défaut de cet album réside probablement dans le manque de titres du genre "skate-punk", qui ont séduit un grand nombre de fans sur l'album précédent. Vingt-deux titres au total composent cet album de Rancid. Il restera un album à part par sa variété et sera rapidement oublié par les nombreux fans qui l'ont injustement boudé. C'est en quelque sorte le début de la longue descente aux enfers de Rancid, qui se plantera solidement avec l'album suivant, "Indestructible", qui exposera le groupe dans toute sa faiblesse... Mais bon, chaque groupe qui se respecte a son oeuvre incomprise, qui un jour sera acclamée de tous... du moins, je l'espère bien ! Une chose est sûre, la comparaison que plusieurs font avec "Sandinista!" des Clash est plus que pertinente ! Incompris je vous dis !