Arf, qui n’est pas né au début des années 70 dans la salle ? Ah les gars, quel manque de bol ! Vous avez raté la seconde vague de la new wave ? Les nouveaux romantiques et la synth-pop vous sont donc inconnus ? Bon, les petiots, assoyez-vous donc et écoutez la bonne parole de l’histoire de la musique populaire : c’est en premier lieu celle de Marian Gold, jeune chanteur berlinois désoeuvré amateur de O.M.D et de TUBEWAY ARMY, qui décide de tenter sa chance comme des milliers d’autres et enregistre dans sa cave, en compagnie de Frank Mertens et Bernhard Lloyd, des petites démos avec deux bontempi et une petite boîte à rythmes. C’est là que le miracle se produit, chose incompréhensible pour les jeunes hommes qui entrent aussitôt dans le tourbillon du showbiz, ils sont signés par la Warner, se baptisent ALPHAVILLE en hommage a Jean-Luc Godard, et en voiture Simone !

Marian a écrit "Big In Japan" en 79 au tout début de l’ére synth-pop, en hommage aux ténors de la synth-pop d’alors. De culture allemande, le krautrock n’a pas de secret pour la jeunesse d’alors, la logique des synthétiseurs frappe les jeunes gens est-allemands qui se lancent à corps perdu dans la musique, il faut s’en sortir. "Big In Japan" est aujourd’hui un standard, tout le monde ou presque connaît cette mélodie fruste, ce beat de synthé, cette immuable boîte à rythmes et le texte tout simple de Marian qui évoque amour et drogue, avec le japon si friand de musique moderne en filigrane. On ne peut pas faire plus simple, plus intuitif et le succès immense est immédiat, avec des entrées dans le billboard dans le monde entier, même aux US.

Les aspects krautrock imprègnent davantage le single suivant, "Sound Like A Melody", une commande de la maison de disque écrite en deux jours par le groupe qui n’assumera jamais vraiment. Pourtant, les résultats sont à la hauteur et le single intègre tous les top 10 européens. C’est bien sûr "Forever Young" qui reste encore aujourd’hui le grand classique des Berlinois. Ce merveilleux petit instant de recueillement est un must qui a traversé toutes les époques sans prendre une ride. Tout le monde connaît cette ritournelle, jusqu’à JAY-Z qui l’a reprise à son compte, et c’est à ce genre de choses qu’on reconnaît un standard. Comme pour sa grande sœur "Big In Japan", elle intègre tous les charts, jusqu’à la 65ème place aux US. Ah ce mignonnet solo de synthé tout choupinou ! On en mangerait, non ? Le dernier single "Jet Set" se voulait une attaque en règle de la consumérisation et n’est pas resté, bien que sympa, dans les mémoires.

Dans ces folles années de new-wave, un album servait souvent d’écrin aux singles et il était rare de trouver mieux dans le reste de l’opus. "A victory In Love" sonne pourtant pas mal du tout, avec un ton lugubre de belle tenue et des synthés entêtants et sombres. "Summer In Berlin" pose une ambiance plus 'nouveaux romantiques' sur une petite mélodie. Malgré une superbe basse, "To Germany With Love" manque clairement de fond. Les synthés pompiers de "Fallen Angel" ont certes mal vieilli mais raviront les amateurs du genre, avec une mélodie dansante et catchy. "In The Mood" est influencé par le ska tow tone, mais qui ne l’était pas ? Enfin, "Lies" est tout de même difficilement écoutable.

Bien sûr, cet album est un milestone de la new-wave synth-pop du début des années quatre-vingt et, à ce titre, mérite une certaine indulgence. Il n’en demeure pas moins vrai que le succès du groupe s’est fait à une époque qui le permettait, et alors que les trois jeunes gens ne maîtrisaient pas grand-chose. On retient "Big In Japan" et "Forever Young" pour l’éternité, les deux grands titres de gloire des Berlinois d’ALPHAVILLE, des petites pépites historiques qui brillent encore de mille feux quarante ans plus tard. Mais, malgré un impact historique certain, je ne peux me résoudre à mettre plus de trois étoiles à ce premier opus.