Le revival est à la mode, pour le meilleur et pour le pire. Ne rien inventer, ne parfois même rien réinventer, mais faire revivre un moment, dans le cas présent celui de la fin des seventies et du début des eighties, quand le Post-punk a éclipsé rapidement le Punk-rock, et quand le no future a laissé place au grim future.

A l'écoute de Crime of Passing, on pense inévitablement à SIOUXSIE AND THE BANSHEES, JOY DIVISION, BAUHAUS, ECHO & THE BUNNYMEN, THE CURE. Tous ces groupes ont accompagné la fin du moment Punk-rock pour le faire glisser de la révolte au désenchantement. La voix de la chanteuse, Andie Luman, rappelle parfois celle de SIOUXSIE ("Off My Shoulder"), la guitare prend parfois des effets qu'on retrouve chez ECHO & THE BUNNYMEN ("Damrak") ou on vous balance des riffs de basse et guitare rappelant plus ou moins JOY DIVISION ("Vision Talk"). On côtoie aussi les ambiances dépressives à la THE CURE ("Ways of Hiding"). C'est ce que nous propose donc ce jeune groupe américain de la scène underground de Cincinnati (Ohio) dont Crime Of Passing est le premier album.

En général, ce type d'album ne passe pas mes filtres, plutôt exigeants, pour être sélectionné en chronique * mais là je dois dire que j'ai été séduit immédiatement. C'est un album court, d'une trentaine de minutes, mais le groupe ne s'encombre pas de fillers, et trente minutes c'est typiquement le format idéal pour se l'enfiler d'une traite. On fera rapidement abstraction du pot-pourri des influences car en réalité on va être rapidement conquis par ces neuf titres qui visent juste.

Grosse basse bien mise en avant dans le mix, des riffs de guitare entêtants sur des synthés discrets aux colorations nocturnes, la punkette Andie Luman qui adopte un chant scandé, comme celui d'une goule tantôt implorante, tantôt vindicative, "Damrak" n'est rien d'autre qu'un petit bijou aux atmosphères crépusculaires et désenchantées.

L'énergie punky de "Tender Fixation", qui passe comme une flèche, est communicative, comme celle de "World On Fire" où les hurlements de Luman nous galvanisent ; tout ceci contraste avec les ambiances livides, désabusées et gothiques rappelant celles de nos mancuniens "Vision Talk". De son côté, "Hunting Knife", dominé par l'électronique aux sonorités qui semblent importées de Sheffield, et aux synthés maussades, vous hypnotise et vous emprisonne dans ses griffes venimeuses dont vous risquez de ne pas ressortir.

Ces jeunes de Cincinnati ont un réel talent pour développer des atmosphères qui nous possèdent immédiatement comme sur le Post-punk de "Midnight Underground" où la batterie adopte un jeu tribal typique du mouvement de l'époque. Sur le final et toujours froid "Ways of Hiding", Luman adopte une voix plus heavenly proche du Shoegaze ou de la Dreampop. Très réussi là aussi.

Il n'y a pas de raison de ne pas être récompensé au détour de longues pérégrinations sur le Net. C'est le cas avec Crime of Passing qui nous replonge à l'orée des eighties. Alors, certes, nos Américains ne réinventent pas la roue, personne ne dira le contraire, mais cet album de Revival Post-punk est terriblement bon pour peu qu'on soit accroché à cette époque et qu'on en ait gardé une certaine nostalgie. Et comme nous avons de la chance, il est actuellement disponible en 'free / pay as you like' sur le Bandcamp du groupe. Voilà, trente minutes qui passent à la vitesse de l'éclair, c'est forcément bon signe.

Note : 3.75/5.

* car il faut savoir que pour un album chroniqué, je peux en avoir écouté entre 20 et 30 autres et le temps étant compté, je choisis ce qui me semble le plus digne d'intérêt.