AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Paura Nella Città Dei Morti Viventi est un film (1980) du réalisateur et scénariste italien Lucio FULCI, sorti chez nous sous le nom de Frayeurs, nom moins parlant que le titre italien qui signifie Peur dans la ville des morts-vivants. L'année précédente, en 1979 donc, FULCI connaît un succès retentissant avec Zombi 2 connu aussi sous le nom de L'Enfer des Zombies. FULCI est enfin consacré comme un des grands maîtres de l'horreur passés ses cinquante ans. Ce succès lui permet de gagner en liberté, son producteur, Fabrizio DE ANGELIS, lui offrant un budget plus conséquent. Mais surtout FULCI est libre de choisir son sujet. Ce sera un film d'épouvante très inspiré par le monde horrifique et halluciné de LOVECRAFT, bien que plus empreint de religion puisque tout commence avec l'auto-pendaison d'un prêtre dans la ville de Dunwich, pendaison qu'on suppose être le déclencheur d'une ouverture d'une porte de l'Enfer.

Assisté par une équipe de fidèles depuis L'emmurée vivante (Sette Note In Nero) en 1977, notamment le scénariste Dardano SACCHETTI, le chef opérateur Sergio SALVATI, et le compositeur Fabio FRIZZI, FULCI réalise Frayeurs, un de ses meilleurs films (avec L'au-delà qui suivra de quelques mois). La grande force du film, bien plus que ses scènes d'horreur, c'est son atmosphère de peur viscérale, de vrai cauchemar éveillé dans lequel on sent des forces du Mal qui nous submergent inexorablement, nous assaillent de tous les côtés sans qu'on n'y puisse rien y faire. Perdu dans le brouillard et les souterrains bleuâtres d'une ville sinistre, quasiment déserte, le spectateur finit par se retrouver dans la situation de la proie ligotée dans les anneaux d'un serpent géant, attendant, terrifiée, la fin qui s'ensuivra. Les événements maléfiques s'enchaînent, à première vue sans lien entre eux, mais on sent bien que tout est en train d'échapper à tout contrôle dans ce film sans humour ou second degré ; que tout part en décomposition et tire dans un même sens, celui d'une conclusion sans espoir.

Si l'image est terriblement réussie (notamment les - superbes - travellings latéraux sur la ville blafarde jouent beaucoup dans l'instauration d'un climat propice à la transcription d'un lieu oublié, maudit et condamné), la partition du compositeur Fabio FRIZZI joue également un rôle qui renforce le climat profondément sinistre, putride et menaçant de Frayeurs. Ce sera l'occasion pour lui de réaliser une de ses meilleures œuvres, peut-être même la meilleure.

En effet, si la B.O de l’opportuniste L'Enfer des Zombies - film de commande dans la suite du film de ROMERO - faisait bien le job, c’est avec Frayeurs que FRIZZI imprime définitivement l’empreinte sonore qui restera associée à la grande époque artistique de FULCI. D’ailleurs, au-delà de la thématique du mort-vivant, il existe bien un lien entre L'Enfer des Zombies et Frayeurs, que l’on retrouve notamment dans la musique du titre "Fatti Misteriosi", assez similaire à celle des séquences 10 et 12 de L'Enfer des Zombies.

On retiendra dans les grands moments de cette B.O "Paura" avec sa batterie porteuse de tension, ses simili chœurs, ses synthés glaciaux et surtout cette slide-guitare qui vous file des frissons tellement elle insuffle une atmosphère sinistre, qui s’invite de nouveau sur "Occhi Di Brace" ; les crissements de "Fatti Misteriosi" surgissent quand l’horreur fait son apparition et vous transpercent les oreilles ; les percussions que l’on retrouve également sur "Paura Viventi" traduisent, quant à elles, cette ambiance totalement hallucinée où la raison ne tient plus aucune place. C’est un des côtés les plus déstabilisants de ce film ; dans La nuit des morts-vivants de ROMERO une thèse plus ou moins logique servait d’explication au déclenchement des événements (radiations) ; dans Zombi 2 c’était une cérémonie vaudou qui faisait revenir les morts etc. Ces déclencheurs n’étaient que des prétextes fragiles, peu crédibles, mais au moins ils existaient. Mais dans Frayeurs rien, nada, nichts, nulla. La pendaison du prêtre n’est qu’une supposition et tout reste incertain, le spectateur, demeurant complètement dépourvu de toute explication, finit perdu.

Le manque de repères s’invite de nouveau sur "Irrealtà Di Suoni" et sa flûte dissonante "Verso l’Alba" ; la boucle jouée aux synthés, agrémentée de simili chœurs, deviendra également un des marqueurs sonores immédiatement reconnaissables des visions de l’Enfer et de l’angoisse par FULCI ; comme les cordes inquiétantes et ce piano sinistre que l’on retrouvera dans l’œuvre jumelle, L’Au-delà, toutes deux basées sur la thématique des portes de l’Enfer. Il en est de même d' "Apoteosi Del Mistero" qui sera réemployé et qui ressemblait déjà fortement à une des séquences (n°8) de Zombi 2. Les liens par les thèmes et la musique au final.

La musique de Paura Nella Città Dei Morti Viventi est devenue l’ambiance sonore indélébile, qui restera dans les mémoires, des grands films d’épouvante de FULCI. Certes, l’album est assez court, un peu moins de 30 minutes ; certes les thèmes et techniques sont plus ou moins réutilisés, et le seront encore par la suite, mais la musique possède une telle identité, elle est tellement associée à ces lieux sinistres, à ces images chocs et perturbantes, qu’elle en devient inoubliable, indissociable, qu'elle en devient elle-même images. FRIZZI a largement contribué à la confection de ces chefs-d’œuvre que sont Frayeurs et L’Au-delà et cette musique est devenue un indispensable pour tous ceux qui sont amoureux du cinéma d’horreur italien, et plus largement du cinéma d’épouvante.