The INWARD CIRCLES est l’un des autres noms de Richard SKELTON, écrivain, poète, compositeur anglais de musique électronique, plutôt prolifique, et dont les premiers albums remontent au milieu de la décennie 2000. Sous l’entité The INWARD CIRCLES, SKELTON explore des contrées qui s’étendent vers l’obscurité mais qui ne sont jamais sinistres. Sa musique ne repose pas sur la négativité, à la différence des productions les plus sombres de Ryo MURAKAMI par exemple.

En 2009, Richard SKELTON a publié son premier livre, Landings, une réaction profondément personnelle et unique au paysage que sont les landes d’Anglezarke, près de sa ville natale dans le sud-ouest du Lancashire, au Royaume-Uni. Une mise en musique des terres qu’il affectionne a été réalisée sur trois albums, en 2006, 2009 et 2011, regroupés ensuite en un seul, The Complete Landings. L’écrivain évoque, entre autres choses, une méditation sur la mémoire et l’oubli, une évocation des fantômes et des voix d’un paysage, et une exposition des effets de la révolution industrielle sur la vie rurale. Toute son œuvre, qu’elle soit écrite ou musicale, est travaillée par l’exploration de la relation entre le paysage et l’identité humaine. La connexion de l’auditeur avec les lieux semble donc être également une chose importante.

And Right Lines Limit And Close All Bodies est le troisième album de SKELTON en tant que The INWARD CIRCLES, qui se présente encore avec un visuel rappelant des travaux de fouilles et de médecine légale, comme sur le précédent Belated Movements For An Unsanctioned Exhumation August 1st 1984.

SKELTON présente Right Lines… comme une poursuite de son exploration de la matérialité du son et des processus naturels d’altération, d’attrition et de désintégration. Le matériel d’origine de ces enregistrements reste en grande partie le même que celui déjà utilisé : petits instruments à cordes, objets trouvés, enregistrements sur le terrain. Mais alors que les enregistrements sous son propre nom visaient en grande partie à préserver la clarté du son acoustique, son travail sous cet alias de The INWARD CIRCLES est consacré à "l’enterrement, l’obscurcissement et la mythologisation" ; "Il y a un désir d’anéantir, de détruire, et de découvrir à nouveau. Chaque artefact sonore est sujet à des distorsions répétées de hauteur et de timbre, et, par conséquent, est transformé au-delà de la reconnaissance. Toutes les traces de son acoustique qui restent ne sont guère plus que des fantômes, car l’ensemble de l’enregistrement est imprégné d’électricité, une sorte de courant tellurique, une énergie chthonienne [relative aux divinités infernales] écrasante." (1)

Il y a donc quelque chose, comme sur le dernier Kistvaen de Roly PORTER, qui ressemble à une forme de nécromancie sonore qui n’est pas sans lien avec l’imagerie utilisée ; à savoir une récupération des restes sonores, de leurs dépouilles, afin de faire se lever une nouvelle entité qui n’est ni morte ni réellement vivante. Et qui nous montrera la direction vers laquelle nous devons porter notre regard, dans une sorte de vision qui tient lieu de chemin. A la différence du précédent Belated Movements For An Unsanctioned Exhumation August 1st 1984 il ne reste rien des matériaux d’origine ; en cela SKELTON porte le travail dans ses dernières limites, vers ses dernières frontières.

And Right Lines Limit And Close All Bodies est doté d’une belle homogénéité. L’auditeur ne rencontrera ici aucune saillie, aucun affleurement ; les huit compositions flottent sans être totalement statiques. C’est leur côté "mort". Toutefois, elles sont bien vivantes, car oui ces compositions vivent et possèdent une âme. Désagrégation et renaissance amènent vers une nouvelle forme de beauté spectrale, fantomatique. Les textures sonores sont forcément uniques d’une plage à l’autre puisque le matériel utilisé est différent ; il y a une nouvelle forme d’envoûtement sans cesse renouvelée.

Hantée, froide, livide, mélancolique et si humaine à la fois, aux racines sonores riches et profondes, la musique de And Right Lines Limit And Close All Bodies est d’une beauté captivante. Il ne reste ici absolument rien des matériaux défunts qui lui ont servi pour s’envelopper de son nouveau corps éthéré et spectral. Nous venons d’assister là à une des opérations les plus réussies de nécromancie sonore de ces dernières années, et une des œuvres les plus enchanteresses de SKELTON.

(1) "There is a desire to obliterate, to destroy, and to discover anew. Each sonic artefact is subject to repeated distortions of pitch and timbre, and, as a result, is transformed beyond recognition. Any traces of acoustic sound that remain are little more than ghosts, as the whole recording is suffused with electricity, a kind of telluric current, an overwhelming chthonic energy."

Note : 4.5/5.