M comme dans mystérieux. Un groupe de sons enregistrés à Louisville, Kentucky. De la guitare instrumentale bleu lisse. Dans l’alphabet musical, que vient après rock ?. Voici donc les informations étranges filtrant sur le Bandcamp concernant ce projet pour le moins énigmatique.

Ce M, on le voit matérialisé sur le côté gauche de la photographie en noir et blanc croquant une scène urbaine avec ces devantures et panneaux publicitaires typiques, à l’instar de l'hôtel offrant ses services aux voyageurs chevronnés et épuisés. Cependant, quelque chose ne tourne pas rond. On met quelques minutes à s’en apercevoir véritablement mais, soudain, le flash se matérialise via un homme dans une barque en train de pagayer. Un uniforme ainsi qu’un képi laissent à penser qu’il pourrait s’agir d’un policier, peut-être lancé dans une ronde, à la recherche de quidams surpris par la soudaine montée des eaux. Une inondation ? Ou simplement la vision d’une ville à canaux, Venise, Hambourg ? L’inscription Apothicaire de Louisville nous met sur une piste intéressante, la grande inondation due à la crue de la rivière Ohio en 1937, recouvrant la ville à 70 % en janvier.

Étourdi mais toutefois éveillé comme pour mieux s’éloigner d’un zeppelin peu proche musicalement parlant. Psychédélique toutefois, mais aquatique, ses effluves s’avèrent typiques. Seul un chant absent ainsi qu’un orgue amenant une texture inhabituelle brouillent quelque peu les pistes. Mais ce premier titre est le plus proche des travaux conclus par SLINT, et pour cause derrière le pseudonyme AERIAL M, se cache son guitariste, David PAJO.

Quelques pistes plus loin, une tentative de réponse via "Compassion For M". Ou plutôt une nouvelle question se substituant à la précédente. Synthétique, incertain voire alien, qui est véritablement ce M pour lequel notre empathie semble requise ? Réside-t-il dans cette galaxie ? "Skrag Theme" ne soulève quant à lui aucune interrogation, s’imposant définitivement en métronome parfait de ce recueil, pièce comportant une batterie, ce qui constitue une exception relative dans cette demi-heure.

Quelques fragments musicaux abstraits charriant une tension sous-jacente et une certaine économie, un artisanat personnel rappelant parfois – outre SLINT évidemment – certains travaux réalisés par Vini REILLY sous son nom ou l’appellation The DURUTTI COLUMN (les exercices de style acrobatiques "Wedding Song No.2" et "Rachmaninoff"). PAJO via son projet AERIAL M propose en réalité une reproduction de sons familiers presque banals, traversant une vie humaine, et sur lesquels une sereine méditation s’avère possible.

Le son d’une attente et le goût de l’incertain qui en découle. De l’aventure. Le son de la pluie tombante qu’on observe, ne sachant plus quelle heure il est, quelle heure il a été, quel jour c'était. Ce son distinctif qui nous rappelle quelque chose mais qu’on n’arrive pas à identifier précisément, sans faire un appel exclusif aux cases mémoires. Une madeleine.

Une salle de cinéma anonyme diffusant un film antédiluvien sans spectateurs. Cette gigantesque lettre griffonnée à la craie jaune sur le dos d’un manteau. Aucune confusion entre les alphabets possible, uniquement une surprise manifeste se découpant sur un visage. M ne dispose plus que de son effroi mutique à offrir.