En laissant de côté le cas particulier de l'E.P Relectures, la dernière véritable production discographique de VOX LOW remonte à 2018. Autant dire une éternité ! Rassurez-vous, on vous épargne ici le rappel des événements marquants du récent lustre, rappel qui n'aurait à vrai dire pas grand-chose à voir avec notre chronique. Ou plutôt si, tant Keep on Falling, sa pochette soignée et son titre, entrent tristement en résonance avec l'actualité orientale. Mais laissons cela à d'autres, plus capables, et concentrons-nous plutôt sur celle du groupe. Là aussi, il s'en est passé des choses depuis la sortie de Vox Low premier du nom. Des concerts en cascade tout d'abord, de Brest à Kaunas, et une tournée britannique malheureusement ajournée, mais également l'arrivée d'une nouvelle recrue, en la personne de Jérôme Pichon à la guitare. Pour le reste, l'équipage n'a pas changé et, selon son communiqué de presse, nous a concocté un nouvel album dans sa batcave secrète du Nord parisien (selon certaines sources, il s'agirait en fait d'un simple studio), second L.P donc après Vox Low, premier effort au demeurant hautement satisfaisant.

Dans l'absolu, le style en lui-même semble inchangé. VOX LOW a trouvé l'équilibre parfait entre coldwave hypnotique et rock crépusculaire, toujours porté en premier lieu par la mécanique bien huilée des impeccables et entraînantes lignes de basse de Benoît Raymond et du motorik de Mathieu Autin à la batterie. Une machine rythmique redoutable, terriblement efficace, pimentée par les claviers acid et les mantras chantés de Jean-Christophe Couderc, et la guitare mordante de Jérôme Pichon. Les textes évoquent prophéties obscures, errements solitaires et plaisirs déçus, mais la musique nous conduit tout droit vers les rues éclairées au néon d'un New-York post-apocalyptique. Voyez au coin de la rue, Snake Plissken nous convie d'ailleurs à la dernière rave. La danse, toujours la danse, en groupe au fond d'une cave bétonnée mais aussi en solitaire, chacun dans son coin, tête baissée, sérieux et concentré.

Keep on Falling se distingue ainsi de l'album précédent par des couleurs souvent plus froides. Il plane dans l'air des sentiments sombres, une atmosphère de fin de soirée. De fin du monde ? De fait, VOX LOW distille des ambiances d'une noirceur subtile, sans jamais charger la mule. "I Know, I Will" en particulier ralentit la cadence et nous convie à une marche hallucinée dans la blancheur d'un matin berlinois, quand le morceau-titre "Keep on Falling" danse un bad trip façon The CURE et "A Love Affair", pièce maîtresse, revisite le batcave. Sur "New Place in Town" et "Breathless Tuesday", le contraste avec la basse obsédante et le chant qui gagne aussi en importance ici électrise et essouffle, n'en devenant alors que d'autant plus saisissant. Du premier album, nos Parisiens ont néanmoins gardé le goût des courses impétueuses sur le périph' aérien, à la lueur des feux de signalisation, à toute berzingue en écoutant "It Grows", hommage à la syntwave, et "Henry Rode", hommage à un illustre inconnu décédé nu un beau jour dans son appartement. Il faut encore mentionner l'introductif "Distance", moment presque club, et surtout l'épilogue génial qu'est "We Walk", morceau fédérateur dont on attend beaucoup en live, impatient de pouvoir se mettre gueuler en meute we walk straight ! en agitant les bras.

A des musiciens habitués du circuit depuis plus de vingt ans, on ne fera pas l'insulte de parler de cette nouvelle offrande comme du fameux album-de-la-maturité. Il n'empêche que le groupe parisien passe ici un cap. Moins linéaire, plus travaillé, Keep on Falling est surtout un disque addictif qui n'a absolument rien à envier aux productions du récent revival coldwave, à bien des égards plus inventif. Born Bad Records a eu raison de leur faire confiance, VOX LOW sort ici un petit bijou. Une réussite, qui devrait ravir les amateurs comme les novices du genre.