Depuis la sortie de son premier album dont elle fait la promo lors de sa tournée The Dynasty Tour, Rina SAWAYAMA travaille à son second projet, mais surtout, elle ne se fait pas oublier : en featuring avec Lady GAGA sur son disque de remix Dawn Of Chromatica, une reprise de "Enter Sandman" sur l’album The Metallica Blacklist du groupe et un duo aux côtés d’Elton JOHN sur une reprise de sa propre chanson "Chosen Family", on peut dire que l’artiste n’a pas chômé en 2021 ! Elle revient donc à l’automne 2022 avec un nouveau disque, Hold The Girl, dont la moitié des titres sortent en tant que single, rien que ça.

Les deux minutes chrono de "Minor Feelings" ouvrent l’album comme une introduction aux cordes majestueuses qui met en lumière l’un des thèmes principaux de Hold The Girl : l’exclusion des Asiatiques dans la société et les sentiments qui en résultent et ont longtemps habité la chanteuse d’origine japonaise (What it takes to recognize emotions that I try to hide/The more I keep them all inside, the more they bury me alive).

C’est de la pop, parfois très dance, parfois plus traditionnelle, mais c’est une pop fabuleuse, comme "Forgiveness", les mélodies et les paroles douces de "Hurricanes" et de "To Be Alive" qui renvoient à la joie et à l’euphorie de la vie (Oceans swallow all of our feelings/I know it’s just temporary pain) ou "Phantom" aux superbes guitares où la chanteuse parle du concept de people pleasing. On reconnaît l’inspiration du groupe irlandais The CORRS qu’elle cite parmi ses influences dans les vocalises aériennes de "Catch Me In The Air" et on goûte à une pop plus sombre dont les refrains se transforment en techno telle "Holy (Til You Let Me Go)" (I was innocent when you said I was evil/I took your stones and I built a cathedral/Found my peace when I lost my religion).

La chanson titre "Hold The Girl", aux rythmes fantastiques qui mélangent à la fois des accents orientaux et des éléments électroniques, n’est définitivement pas dans mon top 5, mais démontre la capacité de SAWAYAMA à transmettre des émotions et des idées au travers de ses textes, comme ici où elle pose un regard sur son enfant intérieur (Sometimes I just wanna run away/Leave behind that old me, start again/Then I’ll remember who I’m really made of/And she’s been hide-and-seeking, waiting all alone).

Mon top 5 va de la pop super enthousiaste, dans la lignée de celle de Shania TWAIN, faite de guitares et de batterie, de "This Hell" (Got my invitation to eternal damnation/Get in line, pass the wine, bitch/We’re going straight to Hell), à la ballade acoustique "Send My Love To John" où la voix de Rina est à tomber sur un rythme et une guitare aux influences country, et dans laquelle elle crée une histoire qui aborde le thème de l'immigration. On passe aussi par un moment plus dance dans "Imagining" aux riffs de guitares et à l'instrumentation chaotique voire incohérente, à l’image de ce qui se passe dans nos têtes quand on se rend compte d’une vérité qu’on ne voulait pas admettre.

Dans "Your Age", SAWAYAMA livre les traumatismes qu’elle a vécus pendant son adolescence sur une piste hyper dark et à la production tout simplement épique (I ain’t a number you can ever divide/You crossed the line by multiplying the lies/I survived the social suicide/Decisions were not mine/You closed me off, a jail personified). On termine le top 5 dans le désordre mais avec les batteries ultra-rock de "Frankenstein" où la chanteuse nous fait comprendre une fois de plus qu’elle avance dans le rétablissement grâce à sa musique et son écriture (Put me together, thread a needle/So I’m like other people, without all of the evil/I’m trying to be normal, but trauma is immortal).

Même si la dance ne trouve toujours pas la grâce qu’elle mérite (peut-être) à mes yeux, on est en 2022 au moment de la sortie du disque et on sait tous que le genre s’est infiltré absolument partout et chez tous les artistes du moment. Mais celle de Rina passe en beauté puisqu’elle sait manier et créer un melting pot de styles finement exécuté et une réalisation précise. Méritant un joli 5, Hold The Girl est un moment intime et grandiose dans la psyché de la chanteuse de 33 ans.