Dans la sphère des musiques sombres, Sea Of Sins revêt à son échelle une petite importance. Il est en effet l'une des premières sorties de l'essentiel label parisien Manic Depression et surtout le premier album de WALLENBERG. Cette situation est d'autant plus atypique que ce groupe avait déjà vingt ans d'existence. Profondément Do It Yourself, dans un esprit (post) punk, WALLENBERG écuma les salles de concert, publia titre sur titre* sur d'obscures cassettes mais toujours sans premier album. Le charismatique et intransigeant leader Hervé Costuas (malheureusement décédé en juin 2020) est rapidement devenu une figure incontournable de la scène cold.

Avec Sea Of Sins, le temps semble s'être arrêté, comme figé. Costuas, seul rescapé des premières années, y insuffle en effet la même fougue, la même passion, celles qui irriguaient déjà l'époque passée au cœur du Marais. WALLENBERG propose ici dix titres à la fois secs et fiévreux qui doivent autant à la cold wave qu'au rock gothique et incantatoire façon Kirk BRANDON de THEATRE OF HATE. C'est un parfait exemple de ce que cette sphère peut proposer avec ses attraits et ses petites imperfections. Pour ces dernières, il faudra faire absolument abstraction de la voix du leader qui, si elle est fortement habitée, flirte parfois avec l'absence de justesse. Si ceci passe pour vous, l'ensemble distillera alors une saveur certaine.

Cet album est aussi assurément un paradoxe. S'il est bien ancré en 2004, il est pourtant par moments comme une invitation à réviser ses classiques de la scène hexagonale. Pourquoi donc me direz-vous ? Tout simplement parce que sur certains titres, on y retrouve ainsi aux chœurs (discrets) Elsa DREZNER de TANIT et le culte Denis BORTEK de JAD WIO. Ce bain dans les remous froids se matérialise également dans le très émouvant et speed "Ode To Gilles" qui n'est ni plus ni moins qu'un hommage à Gilles PRADINAS le batteur des BONAPARTE'S. En convoquant ces différentes figures bien connues et reconnues du milieu, WALLENBERG fait acte d'une amitié durable et permet ainsi de conserver une belle flamme émotionnelle.

Sea Of Sins n'est pas pour autant un cliché couleur sépia. Costuas avec conviction (voire même un peu trop) expose comme le veut le style ses tourments en tout genre. La guitare se fait assurément la part belle. Elle se dévoile tour à tour gothique par son côté tranchant, à l'image de l'excellent éponyme ou cold en diable comme le souligne les curistes "Welcome Home" et "Why". C'est efficace mais une fois l'écoute terminée, un sentiment léger d'ennui s'est installé. La faute à quoi ? Sans aucun doute à cette linéarité qui ne permet pas d'en extraire des morceaux forts, à l'exception de ceux cité ci-dessus. WALLENBERG tente malgré tout d'y remédier en flirtant bancalement avec la batcave comme sur l'original "Hypnotic" ou le punk sombre ("An Eye For An Eye").

Avec ce très attendu premier album, WALLENBERG propose donc un opus mi-figue, mi-raisin qui pêche à l'évidence par un manque de moments qui se distingueraient subtilement d'un univers par trop visible. Il demeure néanmoins attachant et la personnalité ainsi que le parcours de Costuas n'y sont sans doute pas étrangers.

*Sea Of Sins est sorti en édition limitée avec un second CD Always The Same 84-88 qui regroupe ces morceaux dont les excellents "Love Solution" et "Butterfly Of Death".