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1973 La Planete Sauvage
 

- Membre : Bande Originale De Film

Alain GORAGUER - La Planete Sauvage (1973)
Par AIGLE BLANC le 13 Février 2024          Consultée 251 fois

AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Si l'on fait aujourd'hui un état des lieux du cinéma d'animation dans le monde contemporain, force est de constater la supprématie des USA (les studios Disney et Pixar) et du Japon (les studios Gibli) en terme de productions.
Pourtant, l'Europe, malgré la modestie relative de ses réseaux de distribution, parvient à ne pas rougir à côté d'une si redoutable concurrence, intéressant un public moins exclusivement enfantin, du fait de projets artistiques qui compensent les limites de leurs productions par une maturité d'esprit honorable. En Europe, l'animation est peut-être perçue comme un art à part entière à égalité avec le cinéma du réel (avec acteurs de chair et décors grandeur nature).
C'est ainsi que des cinéastes aussi talentueux que Michel Ocelot (Kirikou -1998 / Azur et Asmar -2006, Princes et Princesses -2000), Sylvain Chomet (Les Triplettes de Belleville -2003 / L'Illusionniste -2010), Benjamin Renner (Ernest et Célestine -2012), Marjane Satrapi (Persepolis -2007), ont contribué parmi d'autres à exporter la qualité française dans le monde.

Toutefois, une mise en perspective historique s'impose, ne serait-ce que pour rappeler une réalité moins glorieuse : n'oublions pas qu'il fut un temps, pas si éloigné, où le cinéma d'animation européen, et en particulier français, ne brillait pas par sa vitalité.
Quand sort sur les écrans Blanche-neige et les sept nains en 1938, Walt Disney provoque un fort bouleversement en signant le premier long-métrage animé de l'histoire, auxquels ne va pas tarder à succéder la longue liste de ses autres oeuvres 'célèbres', notamment les précurseurs Pinocchio (1940), Fantasia (1940), Dumbo (1941) et Bambi (1942), autant de chefs-d'oeuvre entrés dans les annales du patrimoine mondial.
La réaction européenne ne se montre pas à la hauteur, du fait de sa particulière lenteur. La France doit attendre les années 50 pour lancer deux de ses artistes les plus iconiques : Jean Image et Paul Grimault, le premier réalisant une libre adaptation du Petit Poucet intitulée Jeannot l'Intrépide (1950), le second la première version du Roi et l'Oiseau, intitulée La Bergère et le Ramoneur (1954). On ne peut pas dire que les cinéastes animateurs se poussent pour entrer dans la légende du cinéma d'animation. Les années 60 se montrent plus productives, notamment grâce à Goscinny et Uderzo qui transposent leur univers de bande dessinée en images animées avec cependant une réussite mitigée (Astérix le Gaulois, 1967 / Astérix et Cléopatre, 1968). C'est à cette époque également que Walerian Borowczik réalise son unique long-métrage d'animation Le théâtre de monsieur et madame Kabal (1967, inspiré de l'humour d'Alfred Jarry). Sinon, seuls Tintin et Lucky Luke semblent avoir la considération des cinéastes, ce qui ne suffit pas à développer une culture innovante dans ce domaine.
Il faut attendre les années 70 naissantes (soit après un vide de presque 20 ans) pour que voie le jour un nouveau grand artiste de l'animation, digne de Jean Image et de Paul Grimault, en la personne de René Laloux. Celui-ci redonne ses lettres de noblesse au long-métrage d'animation français, en signant, suite à quelques courts-métrages remarqués, son ambitieux La Planète Sauvage (1973), qui intéresse la chronique que vous lisez.

René Laloux devient dès lors le spécialiste des longs-métrages animés. Pendant presque deux bonnes décennies (70' et 80'), il s'adonne avec courage et détermination à cet art peu goûté dans la France d'alors, les films d'animation n'ayant pas du tout l'aval des producteurs frileux. Tous ses projets, et La Planète Sauvage en fait partie, rencontrent suffisamment d'obstacles pour le dissuader de poursuivre l'aventure après 1988. Il nous laisse une oeuvre courte, mais intense et, surtout, d'une grande cohérence stylistique, son intérêt pour la Science-Fiction n'ayant jamais été démenti. Les Maîtres du Temps et Gandahar, ses deuxième et troisième longs-métrages, recourent respectivement pour les dessins aux maîtres de la BD Moebius et Philippe Caza, preuve s'il en est de l'attachement du cinéaste à ce pan de la contre-culture française ayant donné naissance à la revue Metal Hurlant où s'illustrait également Philippe Druillet. Ses films sont tous des adaptations de romans de Science-Fiction, La Planète Sauvage et Les Maîtres du Temps s'inspirant de Stefan Wul (alias Pierre Pairault), tandis que Gandahar, son ultime film, s'appuie quant à lui sur un roman de Jean-Pierre Andrevon. Face à la concurrence de Disney, le fait de ne choisir que des auteurs et dessinateurs français fait de René Laloux un combattant acharné et courageux contre l'égémonie américaine.

La Planète Sauvage calque son univers étrange sur les dessins ahurissants de Roland Topor, pas forcément adaptés à un jeune public, mes souvenirs d'enfant à la vision du film ayant été marqués par la terreur qu'il avait suscitée en moi. Le cinéaste s'adjoint également les services d'Alain GORAGUER, pianiste de jazz français (1931-2023) reconnu pour avoir coécrit des chansons de Boris VIAN, orchestré les six premiers albums de Serge GAINSBOURG, mais aussi ceux d'ADAMO, de Brigitte BARDOT, de Brigitte FONTAINE, de Juliette GRECO, de Joe DASSIN, de Nana MOUSKOURI etc. Son talent d'arrangeur s'est également illustré chez Boby LAPOINTE, chez France GALL dont les succès "Les Sucettes" et "Poupée de cire poupée de son". Convaincu par un tel palmarès, Jean FERRAT a fait appel à lui pour les arrangements de ses albums Nuit et Brouillard, La montagne, Potemkine, Ferrat chante Aragon et Ferrat 80.
La large palette de ses talents l'a conduit naturellement à signer les B.O des films (J'irai cracher sur vos tombes (1959), Sur un arbre perché (1971), Le Silencieux (1973), L'Affaire Dominici (1973) et, sous le pseudonyme de Paul Vernon, des films érotiques et pornographiques de Claude Bernard-Aubert, (Hard Love -1975, La fessée ou les mémoires de monsieur Léon maître fesseur -1976, Sarabande Porno -1977, Les filles du régiment -1978, La grande lèche -1979).
La Planète Sauvage demeure sa partition cinématographique la plus célèbre, bénéficiant il est vrai des récompenses internationales obtenues par le film de René Laloux parmi lesquelles les Prix du Jury aux festivals de Cannes et de Trieste -une première restée malheureusement sans suite pour un film d'animation- , le Grand Prix et la Médaille d'or du festival d'Atlanta, sans oublier le Grand Prix du festival de Téhéran.
Contrairement aux habitudes en vigueur à l'époque, Alain GORAGUER n'a pu composer sa musique qu'après l'étape du montage. Il semblerait ainsi que le visionnement du long-métrage ait fortement émulé sa créativité au point d'offrir aux spectateurs-auditeurs une expérience qui dépasse allègrement celle de l'accompagnement d'un dessin animé. La musique qui s'y déploie couvre un large spectre où le jazz-rock côtoie la pop psychédélique, mâtinés de Funk, guitare wah-wah à l'appui, dans un esprit iconoclaste particulièrement rafraîchissant.
Si l'excellent thème "Deshominisation", qui se voit reproduit sous multiples arrangements alternant guitare basse, flûte, claviers et choeurs à huit voix, devient rapidement addictif, les autres, disséminés parmi les 35 pistes remixées en 2023, étonnent par leur richesse harmonique et la complexité de leurs arrangements, notamment un jeu percussif riche de contrastes. Certains passages n'hésitent pas à plonger dans la musique contemporaine, éveillant la comparaison avec ce que pratiquait la sphère krautrock à cette époque. Ce télescopage expressif de styles et d'influences variés, où s'entrechoquent moments stressants, passages érotiques, échappées poétiques et élans lyriques dans une veine orchestrale, confère à cette B.O une forme rare d'intemporalité qui condense toute sa valeur.

Emporté par la conviction de René Laloux et impressionné par le trip hallucinogène des dessins de Roland Topor, Alain GORAGUER signe une oeuvre magnifique, composée en à peine deux mois et enregistrée en trois jours et cinq séances, qui réconcilie les musiques savante et populaire, tout en constituant une expérience unique qui ne perd aucunement de sa force quand elle est écoutée sans l'appui des images qu'elle sert.
Un MUST pour les B.O-philes et mélomanes de tout bord.

N.B : Cette chronique s'appuie sur la réédition de 2023 chez Cam Sugar, à partir d'un nouveau mixage produit par Sugarmusic.

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   AIGLE BLANC

 
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- Aucun Musicien N'est Crédité.


1. Déshominisation (i)
2. Déshominisation (ii)
3. Générique (début)
4. Le Bracelet
5. Terr Et Tiwa
6. Maquillage De Tiwa
7. Course De Terr
8. Terr Et Medor
9. Terr Et Tiwa Dorment
10. Terr Est Assommé
11. Abite
12. Conseils Des Draags
13. Les Hommes / La Grande Coexistence
14. La Femme
15. Mira Et Terr
16. Mort Du Draag
17. L'oiseau
18. La Cité Des Hommes Libres
19. Attaque Des Robots
20. La Longue Marche
21. Les Fusées / Valse Des Statues
22. Générique (fin)
23. Strip-tease
24. Méditation Des Enfants
25. La Vieille Meurt
26. + Bonus :
27. L'appel De La Liberté
28. Méditation Alternative
29. Le Destin De Terr
30. Flore Et Faune
31. Sauvage Planète
32. Casques
33. Déshominisation (ii) -alternate Take
34. Générique (fin) -alternate Mix
35. Terr Et Medor -alternate Mix
36. Déshominisation (i) -alternate Mix



             



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