Fluence est le premier projet de Pascal COMELADE, musicien français d’ascendance catalane, aujourd’hui connu comme un prolifique compositeur de musiques minimalistes et artisanales, le plus souvent pour petit ensemble ou avec des instruments-jouets. Ses premiers essais musicaux sont portés vers l’électronique, en premier lieu Fluence qui paraît en 1975 sur le label Pôle de Paul Putti. Le nom du compositeur n’apparaît pas sur l’image de couverture, mais "Fluence" n’est pas un groupe puisque les trois morceaux qui composent l'album sont interprêtés par trois formations différentes. Il est heureux que Paul Putti se soit abstenu d’apposer le nom du vrai-faux groupe Pôle comme il l’avait fait pour les premiers albums de son catalogue.

Fluence se distingue également du reste de la discographie de Pascal COMELADE par le format musical choisi, optant pour de longues plages répétitives là où la majorité des albums ultérieurs sont des recueils de miniatures musicales. Nous trouvons donc, de part et d’autre, "A Few Reasons To Stay, A Few Reasons To Split" et "Schizo", totalisant près de trente-cinq minutes, encadrant le bref "Barcelona Tango", faisant office d’interlude. Bien que son style Easy-Listening indolent puisse paraître anecdotique, "Barcelona Tango" forme un contraste étonnant et préfigure en grande partie la suite de la carrière de Pascal COMELADE.

Les deux grandes suites sus-mentionnées se situent dans la lignée du minimalisme américain. "A Few Reasons To Stay, A Few Reasons To Split" commence sur un motif de piano électrique et sa variation joués simultanément sur deux pistes, une sur chaque canal stéréo, se décalant graduellement, suivant la technique du 'phasing' initiée par Steve REICH dans les années 1960 avec des pièces telles que "Piano Phase" ou "It’s Gonna Rain". Assez rapidement, l’une des pistes de piano électrique laisse la place à une ligne d’orgue Solina, nettement plus libre, qui ne se place pas tout à fait en rythme avec le piano mais n’en est pas moins un élement pertinent de progression musicale. La guitare électrique de Richard PINHAS fait une intervention réussie lors de l’entrée de l’orgue, mais reste hélas bien trop fugace.

L’autre suite, "Schizo" (titre emprunté au premier groupe de Richard PINHAS), reprend la mélodie d’orgue du premier morceau, avec la participation semi-improvisée de Jean-Pierre Barreda (futur membre du groupe de jazz-rock COÏNCIDENCE) au synthétiseur et de Gabriel Ibanez à la guitare. Le résultat n’est pas si éloigné de A Rainbow In Curved Air (1969) de Terry RILEY. Gabriel Ibanez égrenne quelques notes acoustiques au début de la pièce, avant un long solo de guitare électrique, présentant de troublantes similitudes avec le style de Richard PINHAS à cette époque (il suffit de comparer avec les premiers albums de HELDON), au point que l’on peut se demander si ce n’est pas ce dernier qui effectue ce solo, quand bien même il n’en est pas crédité.

Malgré ses influences américaines, Fluence ne se limite pas au mimétisme et livre une appropriation électrique et libre de la musique minimaliste. Quatre ans séparent Fluence de la prochaine publication de Pascal COMELADE, l’E.P Séquences Païennes (1979), premier d’une longue série d’objets musicaux non identifiés.

3 ½ sur 5