Au cours de sa carrière, Thierry ZABOÏTZEFF a accompli des collaborations scéniques (de nombreux projets avec la chorégraphe autrichienne Editta Braun), cinématographiques (la bande originale du film Séquences de Nathalie Borgers sorti en 2010) mais aussi purement musicales. Depuis 1997, il y eut entre autres le projet ARIA PRIMITIVA (Sleep No More, 2019) avec les claviéristes Cécile Thévenot et Nadia Ratsimandresy. Daniel Denis et Roger Trigaux ont reformé leurs propres groupes au long cours, respectivement UNIVERS ZÉRO et PRESENT. Après le départ de Thierry ZABOÏTZEFF, ART ZOYD s’est quant à lui muté en une nébuleuse artistique sous la direction de Gérard Hourbette. Au contraire des deux formations précitées, la formation 'classique' de ART ZOYD (c’est-à-dire du temps du binôme Hourbette - Zaboïtzeff) ne s’est véritablement reformé qu’en 2015, le temps de concerts anniversaires. Et il y a ce Passage, enregistré avec le concours de Jean-Pierre Soarez, qui fut trompettiste d’ART ZOYD jusqu’à la fin des années 1980 (le projet Nosferatu).

L’écoute de ce nouveau projet révèle bel et bien une continuité musicale avec Les Espaces Inquiets (1983) et Le Mariage Du Ciel Et De L’Enfer (1985), y compris avec les compositions de Gérard Hourbette. Les motifs de piano électrique des trois derniers morceaux héritent de "Cryogenèse", "Mouvance" ou "Images D’Une Ville-Poussière". Les lignes de basse chaloupées et les stries de violoncelle épousent également cette idée d’un retour aux sources, évoquant délicieusement la facette acoustique du groupe (Génération Sans Futur). Les interventions si caractéristiques de Jean-Pierre Soarez nous ramènent à "État D’Urgence", "Vue D’Un Manège" ou "Migrations". Ce n’est cependant pas gratuit; Le Passage bénéficie tout autant de l’avancée sonore et musicale de Thierry ZABOÏTZEFF en solo depuis Heartbeat (1997). Cette influence musicale a toujours été sous-jacente chez Thierry ZABOÏTZEFF, mais on peut dire qu’avec Le Passage, il les exprime sous la forme d’un juste hommage.

"À La Recherche Du Zoyd" et "La Forêt" sont faits de la combinaison d’une instrumentation très organique et d’objets sonores extérieurs, évocateurs. Le premier est un démarrage sur les chapeaux de roue et sur des entrelacs ternaires, le second est une véritable suite, aux longs développements ombragés. Les trois autres morceaux intègrent quant à eux les mélodies zoydiennes à un mélange sonore modernisé, avec en premier lieu des rythmiques électroniques joliment mises en valeur. "Poster Boy" et "Twisted Zoydian Song" sont deux compositions tortueuses faisant le pont entre passé et présent, annonçant l’album suivant, Heat (2024). Le morceau-titre conclut l’album avec un optimisme qui réchauffe le cœur. En somme, on pourrait résumer la démarche de Thierry ZABOÏTZEFF sur cet album ainsi: faire le bilan du passé et continuer à avancer.