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1980 Fresh Blood

Steve SWINDELLS - Fresh Blood (1980)
Par PSYCHODIVER le 17 Avril 2024          Consultée 416 fois

Si l'histoire du rock regorge de monuments bancals et d'aberrations érigées en références, elle n'est pas non plus avare en bijoux clandestins voire oubliés. Des albums rigoureux et façonnés avec attention qui n'ont pour ainsi dire pas eu de chance en leur temps. À tel point que même la postérité peine à intervenir au bout de vingt ou trente ans. Tout un chacun saura se prendre d'affection pour un disque marginal et chercher à lui redonner une seconde vie, désormais pour la charité plus que pour la reconnaissance tardive. Voici donc les mésaventures du Fresh Blood de Steve Swindells, le chef-d'œuvre rock 80's encore aujourd'hui cadenassé dans l'abîme des échecs complets incompréhensibles.

Dans l'Angleterre des années 70, Steve Swindells n'est pas un inconnu des milieux DJ et des musiciens de studios. Claviériste au jeu imparable et très inventif, il bénéficie d'une petite réputation dans l'underground malgré un premier album passé inaperçu, Messages en 1974, qu'il estime raté et mal produit. Faisant partie des premiers 'homos du rock', il refuse néanmoins de se produire exclusivement dans les bars réservés aux homosexuels et s'implique dans l'organisation de plusieurs boîtes dans lesquelles sont conviés hétéros comme homos. Cette posture rassembleuse prend son essor dans les années 80 et annonce les démarches de Holly Johnson, Freddie Mercury et, dans une moindre mesure, de Rob Halford (notons que lorsque Steve entreprend ces activités, nous ne sommes pas encore plongés dans la tourmente du SIDA). En France, toutefois (et encore), ce n'est que par l'intermédiaire de sa participation au projet 25 Years On d'un HAWKWIND provisoirement rebaptisé HAWKLORDS en 1978 qu'il acquiert une notoriété auprès des amateurs de rock allumé.

C'est là que prennent les racines du futur Fresh Blood. Suite à la tournée avant-gardiste des HAWKLORDS, Robert Calvert, le génial initiateur du projet, plie bagage pour réactiver sa carrière solo. Amenant Dave Brock, le leader indétrônable des HAWKS, à remanier son groupe comme bon lui semble. Nous étions à la toute fin des 70's. Le retour de HAWKWIND donne naissance à pléthore de nouveaux morceaux dont la destination demeure incertaine. Une partie d'entre eux intègre finalement le répertoire des freaks de Ladbroke Grove, tandis que d'autres partent avec Steve, décidé à profiter du redémarrage du rapace cosmique pour lancer son propre pavé dans la mare sous l'égide du label ATCO. Calvert avait perçu le potentiel du claviériste et ce n'est pas un hasard si la formule de 25 Years On reposait en grande partie sur l'utilisation de synthétiseurs futuristes. Le poète guerrier urbain de Pretoria lui avait également inculqué certaines leçons de songwriting qui porteront leurs fruits. Déclinant la proposition de Dave Brock de lui succéder en tant que chanteur du nouveau HAWKWIND, Steve s'entoure de deux compères du Capitaine Brock : le serial drummer Simon King et le guitar hero Huw Lloyd-Langton qui venait à peine de réintégrer la Silver Machine. L'ensemble est complété par le bassiste Nic Potter, transfuge de VAN DER GRAAF GENERATOR. Fut-ce le début d'une route vers la gloire ?

Enregistré au studios Sawmills en Cornouailles, dans un ancien moulin à eau accessible uniquement par bateau, endroit paisible qui bientôt ira taper dans les yeux des frères Gallagher, de Richard Ashcroft et des STONE ROSES, Fresh Blood a connu une gestation abracadabrantesque. Refusé coup sur coup par Jim Steinmann et Jimmy Iovine, il est produit par Steve lui-même. Le matériel 'abrité' dans des locaux qui n'étaient pas conçus pour accueillir autant d'installations électriques : les pannes de courant furent légion et les pistes souvent perdues et réenregistrées. Mais le plus hallucinant reste à venir. Lors de sa découverte, une certaine presse spécialisée ne lésine pas sur les dithyrambes. 'Nous tenons le nouveau Springsteen' s'égosillent les scribouillards professionnels. Une diffusion radio est planifiée. Mais rien ne se passe comme prévu. Les ventes ne décollent jamais et le label n'a aucun scrupule à exclure le disque. Retour aux squats et aux activités de disc-jockey. Mais pourquoi cet accueil aussi glacial ? Le rétro-futurisme du son n'aurait-il pas plu aux Américains ? L'orientation résolument power pop relèverait-elle d'une erreur de stratégie dans une Angleterre alors en pleine période cold wave ? Fresh Blood, condamné à ne jamais pouvoir trouver son public. Et c'est bien dommage, tant la qualité est au rendez-vous de la première à la dernière note.

Aucun des musiciens à l'œuvre sur Fresh Blood n'est un manchot. Steve, dont le talent aux claviers le hisse sans problème parmi les cadors du synthé rock de l'époque que sont Dave Formula ou Greg Hawkes, s'affirme comme un excellent chanteur à la voix puissante, légèrement éraillée et parfaitement adaptée à des standards rock orientés fm voire arena (la comparaison avec SPRINGSTEEN le Boss est légitime). Huw confirme qu'il est aussi prodigieux riffeur que soliste, Nic Potter vaut tous les requins de la quatre cordes de l'univers, tandis que Simon livre comme baroud d'honneur (il se retire de la musique quelques mois plus tard) une performance musclée et instinctive dont lui seul détient le secret. Musicalement, 𝘍𝘳𝘦𝘴𝘩 𝘉𝘭𝘰𝘰𝘥 est un condensé de tout ce qui se faisait de meilleur entre la fin des 70's et 80's naissantes. On y trouve de la new wave énergique et divinement accrocheuse (l'explosive "Turn It On Turn It Off", un de mes morceaux favoris de tous les temps, qui dans un monde sensé aurait été un hit, "Bitter And Twisted" où les claviers et parfois même la voix de Steve évoquent le génial et regretté Dave Greenfield), du hard-rock mélodique (l'addictif morceau titre à l'excellent refrain et à la ligne de basse envoûtante, le pugnace "Low Life Joe" et le décomplexé "I Feel Alive" que THIN LIZZY dans ses instants les plus feel good n'aurait pas renié), de la pop ouvragée ("I Don't Wait On The Stairs" ou la meilleure chanson d'Elvis Costello jamais composée par ce dernier, "Is It Over Now") et même une balade qui évite tout dérapage tire larmes ou pompeux ("Down On Love Street"). Oui. La qualification de power pop sied parfaitement à ce 33-tours.

En ce qui concerne les textes, c'est admirable. Fan du CLASH, Steve a su s'inspirer de la fougue du quatuor reggae punk tout en gardant à l'esprit l'enseignement de Robert Calvert qui n'a jamais aimé le CLASH, l'assimilant à un groupe pop bas du front qui beuglait des slogans politiques rasoirs. Fresh Blood, c'est un portrait de l'Angleterre de Thatcher du point de vue de la rue, des squats et des laissés pour compte. En plus d'un récit de relations hommes femmes difficiles comme d'un environnement audiovisuel vérolé. Dure mais juste, caustique mais subtile, la plume de Steve aborde ce dont la musique mainstream ne veut pas parler, sans pour autant verser dans des revendications stériles ou démagogues (l'intimidant "Figure Of Authority" en est l'exemple le plus concret). Dans ces paroles, il y a du John Lydon, du Howard Devoto, du Morrissey, du Holly Johnson (comme mentionné plus haut), du Bob Calvert bien entendu, surtout dès lors que la poésie urbaine flirte avec la science-fiction paranoïaque dystopique comme sur "Shot Down In The Night". Cheval de bataille scénique pour le HAWKWIND des 80's, popularisé via le Live 𝘚eventy Nine lui aussi paru en 1980, j'admets avoir une préférence pour la version originale de Steve, seule rescapée des sessions post HAWKLORDS au même titre que "Turn It On Turn It Off", accrocheuse à souhait (la rythmique emporte tout sur son passage et le jeu de Huw Lloyd-Langton atteint des vitesses supersoniques) jusqu'à son outro jouissive.
Attention toutefois, la durée varie en fonction du format. De plus de cinq minutes sur le vinyle d'origine, on passe à un peu plus de trois sur la réédition CD. Pourquoi ? Le mystère demeure.

Bien que réhabilité par David BOWIE (qui ne le découvre qu'à la fin des années 90) et manifestement apprécié d'un Roger Daltrey qui reprend "Bitter And Twisted" et "I Don't Wait On The Stairs", Fresh Blood n'a jamais acquis la réputation de brillant chaînon manquant du rock qui lui était dû. À l'instar du Black Album des DAMNED et du Panorama des CARS, tous deux parus eux aussi en 1980, il jetait un pont entre l'inventivité classieuse des 70's et les sons synthétiques appuyés par l'écriture grand public des années 80.
Il ne vous reste plus qu'à vous lancer dans l'écoute de cet album truffé de tubes et par certains aspects visionnaires. Steve ne s'arrêtera pas là, multipliant les apparitions notamment au sein du collectif space rock SPIRITS BURNING aux côtés de membres du BLUE ÖYSTER CULT, de GONG, de l'INNER CITY UNIT et d'HAWKWIND, en passant par les nouveaux HAWKLORDS résolus à tirer dans les pattes de Dave Brock (mal en a pris au Capitaine Brock de s'octroyer des droits sur "Shot Down In The Night"), mais Fresh Blood demeure son disque le plus accompli. Véritable témoignage d'un musicien au sommet de son inspiration. Aussi recommandable que le Hype du mentor Robert Calvert, autre 33-tours rock fm peu conformiste à la confidentialité bien entretenue.

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- Steve Swindells (chant, claviers)
- Huw Lloyd-Langton (guitare)
- Nic Potter (basse)
- Simon King (batterie)


1. Turn It On Turn It Off
2. Fresh Blood
3. I Feel Alive
4. Low Life Joe
5. Bitter And Twisted
6. I Don't Wait On The Stairs
7. Is It Over Now
8. Down On Love Street
9. Figure Of Authority
10. Shot Down In The Night



             



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