Sofiane PAMART est un pianiste français avant tout connu comme arrangeur dans la scène rap française, se faisant remarquer par un usage du piano fort inhabituel dans ce milieu musical. Dès 2016, il collabore avec MÉDINE, FLYNT ou VALD. Deux ans plus tard, Sofiane PAMART et le rappeur SCYLLA sortent un album intitulé Pleine Lune; si les deux musiciens se partagent clairement la tâche − SCYLLA derrière le micro et Sofiane au piano −, tous deux sont considérés comme créateurs à part égale de l’album. D’autres projets du même genre vinrent ensuite : Vivre (2021) avec le chanteur belge ARNO (R.I.P.), Loving Life (2021) avec DABEULL, Diamond Tears (2023) avec YG PABLO, et même un Pleine Lune 2 (2019). Surtout, Sofiane PAMART a une carrière solo forte de trois albums et une poignée de singles.
Le monégasque Charles LECLERC a un parcours fort différent puisqu’il fut pilote de Formule 1 pour l’écurie Ferrari avant d’aborder le piano en autodidacte durant le confinement de 2020, se faisant connaître sur TikTok et Instagram par ce biais, jusqu’à publier officiellement trois compositions de son cru entre avril et août 2023. Ce qui nous mène donc à l’E.P Dreamers, un recueil de quatre nouvelles compositions enregistrées avec Sofiane PAMART. En soi, la démarche est curieuse : deux pianistes, l’un novice, l’autre solidement rodé (il suffit de le voir rejouer à l’oreille des morceaux de styles variés en direct sur RTL), sur une œuvre à quatre mains. Les présentations étant faites, entrons dans le vif du sujet.

Il m’arrive, dans des moments d’égarement, de tester à l’aveugle des sorties musicales récentes. Et donc, intrigué par l’enthousiasme que suscitent les albums solo de Sofiane PAMART, j’y suis allé jeter une oreille. Mal m’en a pris. Planet (2019) et Letter (2022) représentent pour moi tout simplement le pire du néo-classique : mélodies over-affectées, grilles d’accords cliché tout droit sorties des canons de la variété et des bandes originales, ornementations dans tous les recoins, quasi-absence de nuances (tous les morceaux commencent à mezzo-piano!). Pourtant, Noche (2023) montrait des signes d’amélioration : un significatif travail d’épure musicale (fini, les affreuses trilles et les arpèges ad nauseam), même si nous sommes encore loin du miracle. Bref, ce n’est pas moi qui entretiendrai le consensus autour de Sofiane PAMART. Il est certes un excellent technicien, sa collaboration avec SCYLLA est certes intéressante, mais sur le terrain des composition, il reste quand même un bout de chemin à faire.

J’ai donc voulu retenter ma chance avec cet E.P collaboratif. Patatras! J’y ai retrouvé tout ce qui me sort par les oreilles en musique classique : mélodies dégoulinantes, accords téléphonés, emphase vaine. C’est vraiment du sous-Chilly GONZALES (cf. Solo Piano), du sous-sous-Philip GLASS, un néo-romantisme atrophié et abâtardi avec les pires clichés pop. Inutile de chercher quoi de l’inexpérience de Charles LECLERC ou de l’emphase de Sofiane PAMART est le plus responsable de ce naufrage, le résultat est là. Les cinq accords et la mélodie en roue libre affreusement réverbérée de "Focus" ont au moins le mérite de la simplicité. La suite est pire encore : "Heartbeat" se montre subitement très verbeux, dans le plus pur style de Sofiane PAMART. Rebelote avec "Limitless" et "The Dream Continues", jouant la carte de la mélancolie mais se mangeant le grand chelem dans les dents. Plus globalement, si les deux pianistes (enfin surtout Sofiane PAMART) tentent de varier le bail avec moult arpèges, le cheminement harmonique reste terriblement linéaire, seul "Focus" variant un peu les accords en conclusion. Au plus fort de la tare, Sofiane PAMART semble avoir oublié l’épure de Noche avec "The Dream Continues" aux arpèges absolument dégueulasses de mièvrerie.

Le pire, c’est que ça marche! En baissant la garde, on se prendrait facilement au jeu de ces harmonies calibrées, ce côté propre sur soi, cette émotion si facile, cette préciosité de pacotille. Toute illusion bue, le principal mérite de ce projet est de m’avoir poussé à me replonger dans des œuvres pour piano plus dignes de ce nom.