La carrière de Stan Getz est tout simplement énorme et s'étale de 1943 à 1991. Il eu un pic de popularité en 1963 avec la sortie du très bon "Getz/Gilberto" où, avec João Gilberto, il a contribué à l'exportation de la Bossa Nova avec des titres comme "A Garota de Ipanema" (Girl from Ipanema en anglais) ou "Desafinado" (Off Key en anglais). Par la suite, il produira d'autres très bons albums studio ou live dont ce People Time.
Ce live au café Montmartre de Copenhague correspond au début de la tournée de 1990 qui sera la dernière tournée de Stan Getz. Stan est physiquement très diminué par un cancer du foie qui le ronge : il mourra trois mois après cet enregistrement.
Le choix du lieu n'est pas un hasard ; marié à une Suédoise, il élit domicile à Copenhague dès 1956. Stan vient jouer très souvent dans ce café et le public est en partie composé d'amis et de membres de sa famille.

Une part de la magie de cette captation live réside dans un placement parfait des micros par les ingénieurs du son danois.
Il faut entendre ce son de saxophone ultra chaud avec, entre les notes, le souffle de Stan perceptible ou encore le son léger de l'impact des clefs lorsqu'elles ferment un trou du sax : aucun doute Stan est avec nous.
Cette qualité rend pleinement honneur à l'homme surnommé "The Sound" en rapport aux tonalités chaudes, pures et riches qu'il sortait de son saxophone ténor. Et son surnom est d'autant plus vrai à la fin de sa vie, son souffle n'étant plus suffisant, on sent parfaitement qu'il joue avec son âme et son coeur.

Mais par delà la prestation de Getz, c'est aussi celle au piano de Kenny Barron qu'il faut souligner : loin d'être un faire valoir, il accompagne pleinement et parfaitement avec son jeu détendu mais ultra précis et tout aussi rempli d'émotion : les ingénieurs ont aussi su placer leurs micros pour permettre un rendu idéal aussi bien dans l'aigu que dans le grave du piano. La main gauche de Kenny est parfaitement audible pour apporter les vibrations émotionnelles et la droite pour apporter la fraîcheur et la richesse harmonique.
Et cerise sur le gâteau, le rendu du public est discret mais quand même présent avec quelques bruits de verre, quelques applaudissement nourris, quelques vagues discussions légèrement audibles.
Au final, nous écoutons idéalement deux instruments qui jouent ensemble ou laissent la part belle à l'autre le temps d'un solo ou d'une impro. On ne demande pas mieux pour profiter pleinement de la musique.

Du point de vue de la setlist, je dirais que le premier Cd est beau, intéressant mais pas complètement touchant. Il ne manque pourtant rien, mais il ne me fait pas dresser les poils. Je crois qu'à chaque fois je suis trop impatient de passer le second Cd, qui contient quelques perles rares.
Le premier titre de ce second album, First Song (For Ruth), est un monument d'émotion qui personnellement me touche à chaque écoute. C'est tout bonnement dix minutes de romantisme auprès d'un feu de bois avec un peu de souffrance : Stan y accomplit des solos sublimes parfaitement encadrés par Kenny.
Plus tard dans le concert, c'est People time qui remet une seconde couche sublime d'émotion avant enfin Soul eyes qui termine parfaitement le concert.

Ces trois titres sont merveilleux et ce sont probablement eux, qui à trois, parviennent à ternir le reste du concert et qui font que je ne mets que 4 à cet album nécessaire à tout ceux qui aiment un peu le jazz et plus particulièrement le saxophone.