Décidément, l’Irlande semble devenir le nouvel Eldorado du rock indépendant !

À l’instar des FONTAINES D.C., l’histoire des SPRINTS est en effet une aventure typiquement dublinoise. Officiellement débutée en 2019, elle s’ancre en réalité dans une amitié d’enfance entre la chanteuse/guitariste Karla Chubb, le guitariste Colm O’Reilly et le batteur Jack Callan. Le trio commence à jouer ensemble avant de passer en quatuor avec l’arrivée du bassiste/chanteur Sam McCann.

Ils commencent à se tailler une solide réputation en live via des spectacles à l’énergie débordante, puisant autant dans le punk que le grunge ou le garage tout en convoquant les illustres artistes féminines emblématiques que sont P-J HARVEY, SIOUXSIE ou encore Patti SMITH, influences majeures revendiquées par Chubb. De premiers travaux studio sont réalisés entre 2019 et 2022, singles et EPs très bien accueillis par les critiques et inaugurant le bassiste des GIRL BAND Daniel Fox en tant que producteur. Après une immense tournée en 2023, leur premier longue-durée sort en février 2024.

Letter to Self témoigne en premier lieu, via son intitulé judicieux, d’une thérapie en accéléré efficace pour l’héroïne d’un film finalement plus hurlant que parlé (quoique…), la conclusion éponyme attestant d’une guérison quasi-totale, Chubb y affirmant avec conviction se sentir vivante.

Ce n’était pourtant pas gagné d’avance lorsqu’on lit les premières lignes proposées, gages de questionnements intérieurs bouillonnants. Peut-être que je devrais mieux le faire/Peut-être que je devrais essayer plus fort. Armé de sa pulsation cardiaque et d’une guitare tout en retenue, "Ticking" constitue une carte de visite efficace, posant une tension initiale avant une explosion libératrice, aspect constant d’un enregistrement jouant parfaitement sur les alternances entre moments calmes et rageurs, confirmant l’influence majeure des PIXIES entièrement digérée.

La métaphore ultime de ce disque pourrait ainsi bien être un orage, produisant périodiquement d’impressionnants éclairs frappant le sol dans un fracas dévastateur. Le monumental "Shaking Their Hands" – peut-être bien la pièce la plus décisive – et l’atmosphérico-méditatif "Literary Mind" jouent le rôle de momentanée accalmie, autant que le cow-punk "Can’t Get Enough of It", chanson exposant des guitares acoustiques et nous faisant songer aux BREEDERS, groupe monté par Kim Deal après son départ des PIXIES. Vocalement, Chubb passe facilement des cris perçants aux murmures contractés, parfois au sein d’un même titre comme sur l’évident point de passage "Shadow of a Doubt" où elle se substitue à Kim Gordon.

Letter to Self est un premier album incandescent et convaincant, jouissant d’une production surpuissante. Reste à savoir si le groupe se remettra sans dommages du départ de son guitariste historique Colm O’Reilly, annoncé lors du dernier concert de la tournée supportant le disque, une entité importante contribuant à l’architecture du son des Irlandais.

Sprint et endurance sont deux sports invoquant une exigence certaine, mais ne requérant pas exactement l’implication des mêmes muscles et capacités physiques.