Avant VOYAGE, il y eut The PEPPERS ! Le fameux combo Disco français ne fut pas la première tentative du producteur Roger Tokarz pour percer en dehors de la Library Music. La compagnie-mère Sirocco publia des disques pour le grand public composé par des musiciens de Tele Music. Il y eut d’abord RESONANCE du claviériste Mathias CAMISON et du chanteur Pierre BACHELET (assurément l’un des plus connus de la bande), et The PEPPERS de Mathias CAMISON avec le batteur et claviériste Pierre-Alain DAHAN. Chacun des deux groupes publia un album et une poignée de singles. Parmi les projets épars, citons Swing Family sous la houlette de Gabriel YARED, Le Sifflet Du Baron de Pierre BACHELET et Alan FEANCH (Alain Poinsot), le collectif Latin Company, et de nombreux 45-tours de chansons ou d’instrumentaux, publiés à tour de bras. Une partie de ces projets furent même ultérieurement recyclés dans le catalogue Tele Music (les volumes 2 à 4 de Maxi-Music).

Mat CAMISON a en 1973 publié son premier album instrumental, Pop Arp. Pierre-Alain DAHAN a, de 1972 à 1976, publié cinq albums chez Tele Music: trois en collaboration avec Mathias CAMISON (Rythmiques, Discothèques et T.V. Thèmes), un avec Slim PEZIN (Néo Rythmiques) et un en solo (Continental Pop Sound). Ces albums sont plutôt anecdotiques, pour l’essentiel constitués d’instrumentaux pop (Discothèques, Néo Rythmiques), de diverses musiques de genre (T.V. Thèmes) ou de pistes génériques illustratives (Continental Pop Sound, Rythmiques). Trois de ces albums ont été réédités en 2023 en vinyle par le label anglais Be With Records.

Dans ce contexte-là paraît donc A Taste Of Pepper, A Taste Of Honey en 1974, après un premier 45-tours l’année précédente avec "Pepper Box", et "Pinch Of Salt" qui furent repris sur l’album. Parmi tous les projets sur le label Sirocco (du moins ceux antérieurs à VOYAGE), The PEPPERS est sans doute celui qui est le plus passé à la postérité − ou celui qui n’a pas totalement sombré dans l’oubli. Il y eut un autre 45-tours, inédit celui-là, comprenant "Doctor Music" et "Velvet Moon".
La seule reprise figurant sur cet album est "A Taste Of Honey" de l’auteur-compositeur américains Bobby Scott, une pièce composée pour la comédie musicale éponyme (1960), elle-même adaptée d’une pièce de théâtre (1958) de la dramaturge Shelagh Delaney. Ric Marlow en fera en 1962 une chanson à succès.

Le projet The PEPPERS se démarque des autres productions de Mat CAMISON et Pierre-Alain DAHAN pour Tele Music de par des instrumentations plus homogènes et portées sur les claviers électriques (Clavinet, orgue, synthétiseurs), des compositions plus accessibles et moins génériques (forcément) et de rares parties vocales. Les claviers jouent tous les thèmes et riffs (cf. l’émulation de guitare électrique sur "Just A Rock"), bien que la rythmique échoie encore à basse électrique (certes discrète) et la batterie, les boîtes à rythme de l’époque étant encore trop primitives, et les séquences de bruit blanc au Arp ou au Moog trop fastidieuses à synchroniser, surtout pour un album d’Easy Listening sans prétention comme celui-ci. On trouve encore quelques rares apparitions de saxophones ou de piano. "Doctor Music" présente une timide orientation Disco, qui se concrétisera avec le très anodin single (1975) du projet V.I.P. CONNECTION, puis plus tard VOYAGE.

Musicalement, rien d’infâmant, mais rien non plus de vraiment remarquable. "Hot Caramel", "Double Signature", "Pinch Of Salt", "Do It, Do It", "Just A Rock" et "Doctor Music" sont efficaces, ainsi que "Pepper Box" bien sûr, maître étalon de ce projet, et d’ailleurs repris sur quelques compilations collectives. Il y a une forte redondance harmonique et mélodique, dans le mode majeur omniprésent, les enchaînements harmoniques récurrents et les mélodies aiguës au synthétiseur. Tout cela est très peu varié. On regrettera la banalité et le manque de fantaisie de la rythmique; il n’y a aucun autre instrument à percussion que la batterie, en dehors des timbales de "Do It, Do It" et du break de "Just A Rock". L’album présente néanmoins l’avantage de ne pas sombrer dans une enfilade de ballades molles du genou (seul "Velvet Moon" entre dans ce cas de figure) ni dans des boucles musicales génériques creuses. Seul le dernier morceau est vraiment raté, la faute à ses chœurs réverbérés outrageusement kitsch.

Pas de quoi crier au miracle avec ce one-shot anecdotique et calibré, surclassé par l’inégal mais très intéressant T.V. Thèmes (1975) et l’énergique Néo Rythmiques (1976).