Ah chers camarades ! Nous n’allons pas rajeunir avec cet album, loin s’en faut ! John OATES a désormais 76 printemps et plus rien à prouver après une carrière inépuisable couvrant désormais 6 décennies. Les semis remorques d’albums écoulés par son duo magique avec le blondin Daryl HALL lui assurent une postérité inaliénable ainsi que des revenus conséquents pour quelques dizaines de générations. Beaucoup plus discret que son ex-comparse qui hante les plateaux télé, John a cependant encore des choses à dire, même si sa carrière solo n’est riche que de six albums solos. Attendons-nous à des guitares fines et ciselées et probablement plus de slows romantiques que de rock endiablés.

Dès le premier et éponyme titre "Reunion", l’ambiance est évidente : de la pop bien ficelée apparentée à du soft rock ou de l'AOR en fonction du son et des décibels. Ici un morceau agréable aux sonorités très américaines et pas mal chanté du tout par John OATES, dont on entendait finalement peu la voix dans son duo avec Daryl HALL. Nous continuons dans les bluettes cool avec "Sonny Terry & Brownie McGhee", on sent que la soif de décibels a plus ou moins quitté notre artiste, mais au final, n’est-ce pas assez logique ? Le besoin d’écrire de la musique n’est rien d’autre qu’une révélation de l’âme, et il est possible que celle de John soit en paix, nonobstant les soucis contractuels et judiciaires avec l’ex-partenaire Mister HALL. Il s’agit d’ailleurs d’un hommage à un célèbre duo de blues from USA, pied de nez du destin !

La cristalline guitare drive "Long Monday" de manière tout à fait agréable, il n’y a ici rien de bien ramenard et au contraire on apprécie ces instants où quiétude jouxtent le plaisir. On n’est pas si loin que cela de l’Americana d’un John MELLENCAMP. Quelques aspects country s’entrechoquent avec des vibrations folkys, un peu à la manière de John DENVER. La guitare est signée de main d’orfèvre. "This Field Is Mine" porte en lui une revendication terrienne qu’on pourrait à nouveau comparer à celles de MELLENCAMP pour l’Indiana voire de SPRINGSTEEN pour le New Jersey, sachant que notre natif new yorkais a brouillé les cartes en s’installant pour moitié dans le Colorado, pour moitié au Tennessee, des états connus pour leur penchants traditionnels. Et toujours des instruments traditionnels. Une intro qui pourrait nous plonger dans du Neil YOUNG sur "All I Ask Of You", si le chant n’était pas si mainstream. Ambiance countrysante pour un ton quelque peu metropolitan, s’il fallait pointer un défaut. Mais c’est calme et reposant.

Quelques instruments traditionnels nous plongent dans le Heartland rock US sur "I Found Love", et on sent l’intense liaison qui lie John à ses primes influence du blues et du ragtime, beaucoup de tradition, tout ceci dans un ensemble paisible et champêtre sans prétention. Un peu plus de complexité au niveau de la guitare sur les arpèges de "When Carolina Comes Home" et une vibration plus dramatique, ici la musique de John OATES trouve toute sa qualité et l’émotion est à fleur de peau. Beaucoup de feeling et des ambiances cool pour le titre à retenir de cette livraison. La lap steel nous garde en territoire connu sur "Dance Hall Girls" puis la voix se charge en émotion sur la très personnelle "All I Am" qui donne une vision assez exacte de l’art de OATES en cette fin de carrière.

Tout ici est fin et limpide, pas la moindre faute de goût et un savoir-faire évident en termes de production de chant et de composition, sans parler de très jolies guitares toujours aériennes. Toutefois, il manque un brin de rythme et de son dans cette galette qu’on conseille en premier lieu aux amateurs de jolie pop finement ouvragée, pour les soirées mondaines où la musique n’empiéte pas sur les derniers sujets de discussion à la mode. John OATES reste ici très sobre et ne cherche pas ni les honneurs dus à son rang, ni même les billets verts, juste un pur instant de tranquillité dans els grands espaces chers à sa terre natale. Un trois élégant et équilibré.