Ce n'est pas tous les jours que Colin BASS publie un album solo, mais avec l'aide de Daniel BIRO, il semble avoir retrouvé un nouveau souffle, lui permettant de rester régulier dans ses productions par rapport aux vingt dernières années. Le tandem avait déjà proposé Still il y a quatre ans, en plein confinement, et sur un versant plus électronique-ambient, déjà prometteur.

La formule de More, en cet automne 2024, n'est pas tant changée que cela. L'ensemble est un peu plus fidèle au passé rock du bassiste-chanteur à travers l'oeuvre de CAMEL, sans toutefois flirter vraiment avec le progressif, sauf en en gardant la sève grandiloquente. En revanche, la batterie est programmée, mais la majesté distillée par les claviers vintage de BIRO, piano Fender Rhodes en tête, joue beaucoup dans la qualité d'ensemble.

BASS se rapproche un peu plus de l'écriture pop de ses tout aussi sympathiques albums solo précédents, In the Meantime (2003) et At Wild End (2015), la nouvelle pochette étant comme celle de ce dernier conçue par sa propre fille Lenya. Depuis 2003, il a toujours aimé proposer des ensembles longs, atteignant/dépassant facilement l'heure, avec une touche diversifiée et parfois un peu trop d'ailleurs elle aussi.

More gomme quelque peu ces défauts, même si l'on peut toujours trouver à redire, notamment sur ce "Back Again" jazz léger/oldie, mignon mais un peu superflu au milieu du reste. D'ailleurs, cette voix toujours aussi agréable n'a absolument pas bougé depuis quatre décennies ! Et puisqu'on parlait de l'ancien groupe prestigieux qui l'a fait connaître, il faut savoir, si certains l'ignoraient, que depuis l'ultime album A Nod and a Wink (2002), la carrière solo de BASS est devenue l'un des rares moyens de pouvoir goûter au toucher irrésistible d'Andy Latimer côté création, à son souffle délicat aussi.

Absent sur Still (2020), l'ancien guitariste/flûtiste/chanteur du grand et gentil CAMEL revient au bout de neuf ans prêter main forte à son comparse, et figure en invité de marque sur pas moins de cinq morceaux. "New Words" pour la guitare seule, "Dinner in Delphi" pour flûte et guitare, enfin les trois derniers morceaux de l'album, "Ghost of a Flea", où ses feedbacks ajoutent de la bonne crème, le long "Deep Fake" avec ses miaulements et son solo déchirant, enfin "Smile of Smiles" au balancement simple et serein, parfois pour une dernière envolée lyrique magistrale.

De toute façon, mis à part un titre ou deux et autant de petites longueurs, ce quatrième disque de Colin BASS regorge de trésors, dès ce "More" d'ouverture, joliment blues, un peu latino voire r'n'b mais classe, parcouru de beaux sons. BIRO passe de la nappe d'orgue Hammond ronronnante au piano Fender Rhodes qui ne le quitte pratiquement plus, de nouveau ici, et de surcroît avec toute la panoplie de nappes Mellotron/synthétiseurs polyphoniques. En plus d'une basse fluide autant que l'est le chant, BASS ajoute des choeurs peut-être pas toujours justifiés mais plutôt plaisants.

Avec "Hunting Game" et "Out of My Head", de jolis morceaux folk nous sont proposés avec picking acoustique par notre bassiste qui revient un peu à la guitare, gardant toujours une franche douceur dans les mélodies nostalgiques élégantes. Et les claviers d'en faire autant. Quelques touches blues ou jazz s'ajoutent sur "Hunting Game" et "I Wish", des arrangements comme sur la seconde nous surprennent, ces sifflements un peu militaires mais qui ne détonnent aucunement. De toute manière, chaque chanson porte son histoire, textuelle ou non.

Difficile de ne pas craquer pour la plupart d'entre elles, "Sailor's Lament" aux arpèges et claviers ondulants, envoûtants comme son esprit d'aventure ; le ton reggae léger et léché de "Ghost in a Flea", "Dinner in Delight" et les deux morceaux longs de fin, pas seulement grâce aux participations du génial Latimer. C'est encore un album à l'image de la personnalité de Colin BASS, qui a toujours fait preuve par sa voix d'un tempérament calme, ouvert, avenant, suscitant l'affection.