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2024 Lives Outgrown
 

- Membre : Portishead

Beth GIBBONS - Lives Outgrown (2024)
Par MR. AMEFORGÉE le 27 Janvier 2025          Consultée 874 fois

Des notes de velours égrainées à la guitare, percussions et orchestrations s’invitant en catimini, puis chant à peine plus que murmuré imprimant une forme de cadence : c’est sur cette ambiance de chamanisme feutré, introspectif, crépusculaire, que l’on entre dans Lives Outgrown. "Listen to me…" nous invite Beth GIBBONS : peut-on seulement songer à se faire prier ?

Chanteuse culte d’un groupe culte qui n’a sorti que trois albums, Beth GIBBONS est elle-même restée particulièrement discrète dans sa carrière musicale. Une collaboration avec un ex de TALK TALK, une ou deux chansons écrites pour Jane BIRKIN, une participation à une obscure reprise d’un tube de BLACK SABBATH, une autre à une grande symphonie de musique classique contemporaine (GORECKI), quoi d’autre ?
Bénéficiant du privilège de n’avoir rien à prouver, elle est restée rare et cette rareté a autant contribué à préserver son aura culte que de faire en sorte, par un jeu d’alliance des contraires, qu’on n’en attendait plus guère. Ce qui rend l’écoute de Lives Outgrown d’autant plus marquante : en vérité, Beth GIBBONS nous manquait et on ne le savait pas.

La pop ou plutôt le folk "de chambre" pratiqué ici s’éloigne du trip hop et de l’électronique de PORTISHEAD, mais conserve un lien de filiation dans son appétence pour les atmosphères et la mélancolie, toute cette poésie ouatée de la nuit. Le résultat est tout simplement plus organique et, peut-être bien, un peu plus intemporel.

De même, la figure tutélaire de TALK TALK, déjà évoquée, plane aussi sur le projet. Sans que cela saute forcément aux oreilles, les indices sont là. Beth GIBBONS a chanté pour le side project .O.RANG de Paul Webb et Lee Harris, et a par la suite sorti un album en duo, comme on l’a noté, avec Paul Webb (alias RUSTIN MAN). Sans surprise, serait-on tenté d’écrire, elle retrouve ici Lee Harris, qui coproduit l’album, assume la batterie et coécrit quatre titres. Au-delà de ce simple recensement, c’est au niveau de la philosophie esthétique que les derniers TALK TALK et le Beth GIBBONS peuvent se lier : ils représentent chacun une manière d’allier mainstream et expérimentations au sein d’une musique propice à la rêverie.
Dans le prolongement, il faudrait nommer aussi le troisième producteur, James Ford, à la carrière déjà respectable et dont la contribution, cela peut se deviner, n’a pas non plus été insignifiante. Son propre premier album solo en tant que musicien, The Hum, paru en 2023, échouait à être tout à fait convaincant, mais, psychédélique, démontrait un goût particulier pour ce type d’approche musicale. Une large variété d’instruments parmi les plus exotiques de l’album de Beth GIBBONS sont notamment joués par lui.

Lives Outgrown, qui a été composé, selon les dires de la musicienne, sur une période d’à peu près une dizaine d’années et qui évoque ses doutes existentiels en tant que femme dans la cinquantaine, fait montre d’une grande homogénéité. Chaque chanson possède néanmoins sa singularité, un peu plus houleuse ou planante, sombre ou lumineuse, intimiste ou capiteuse, selon les moments, et vient s’articuler avec la minutie d’un engrenage à celles qui l’entourent pour renouveler notre attention. Les mélodies ont cette qualité d’être lisibles sans être faciles, tandis que les orchestrations ajoutent nuances et subtilités, s’autorisant à l’occasion des dissonances, des bizarreries, qui confèrent une richesse et une profondeur supplémentaires. Enfin, l’atmosphère, terme que l’on a, non sans raison, déjà brandi à plusieurs reprises, est toujours tissée avec soin et ajoute à la fascination d’ensemble. À tort ou à raison, on songe parfois à David BOWIE époque Blackstar, à PINK FLOYD, à Tom WAITS période Rain Dogs, à SWANS. C’est invariablement d’une formidable élégance.

Ce qui est fascinant avec cet album, c’est la teneur de sa réussite. Le constat initial est facile à faire : il s’agit d’un album très agréable, très solide, tiré au cordeau, tranquillement cohérent : excellent, tout simplement. Mais si on prend le temps d’y réfléchir, l’équation commence à paraître un peu plus dingue, un peu vertigineuse.

Suivez mon cheminement : expérimental, mais accessible ; mélodique, mais atmosphérique ; homogène, mais singulier ; discret, mais mémorable, etc. Cela ne vous frappe-t-il pas ? Un album qui arrive à faire tenir ensemble autant de traits qui devraient se contredire, se neutraliser, qui arrive à faire en sorte que ça fonctionne et plus encore, est-ce donc à ce point naturel ? Est-ce seulement possible ? En fait, il y a une vraie énigme derrière cette impression de fausse évidence. Comment Beth Gibbons est-elle parvenue à atteindre un tel équilibre ? Une telle merveille d’équilibre ? Je n’ai pas la réponse.

De nos jours, parler de chef-d’œuvre a quelque chose de galvaudé, à tel point d’ailleurs que remarquer que parler de chef d’œuvre a quelque chose de galvaudé est également galvaudé… Mais dans le cas de Lives Outgrown, on pourrait peut -être s'y risquer.

On le sait, notre monde court à l’abîme. Pendant que la température monte et que les tentacules de ténèbres grouillantes se précisent tout autour de nous, la musique n’est pas en reste pour témoigner, d’une manière ou d’une autre, de cette corruption inexorable. Entre les contorsions de clowns tristes des CURE, les messes noires décadentes d’un ORANSSI PAZUZU, les expériences d’alchimie interdites de Ben FROST, les errances introspectives de The BLACK DOG, parmi tant d’autres, on n’a pas manqué en 2024 de délicieux poisons avec lesquels noyer nos quelques résidus d’optimisme. Au sein de cet ensemble, le Lives Outgrown de Beth GIBBONS occupe très probablement la place du diamant noir : sombre, beau et étrangement réconfortant.

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   MR. AMEFORGÉE

 
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- Beth Gibbons (chant, guitare)
- Lee Harris (percussions, etc.)
- James Ford (beaucoup de choses)
- Senab Adekunle (choeurs)
- Gracie (choeurs)
- Herbie (choeurs)
- Roe (choeurs)
- Raven Bush (violon)
- William Rees (guitare)
- Robbie Mcintosh (guitare)
- Howard Jacobs (saxophones, etc.)


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2. Floating On A Moment
3. Burden Of Life
4. Lost Changes
5. Rewind
6. Reaching Out
7. Oceans
8. For Sale
9. Beyond The Sun
10. Whispering Love



             



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