Consistency est sorti à la fin de l’année 2023 à la suite de Me and the Glassbirds. Disons-le d’emblée : il ne faut pas prêter attention à sa pochette qui, il faut l’admettre, ne paie pas de mine car cet album est réellement excellent. Si la Sud-Coréenne tient bien le cap avec une musique encore à la croisée de l’expérimental et de la noise, ce nouvel album pénètre plus avant dans les territoires du dark ambient, le rendant certainement plus abordable que le précédent ; et, pour ne rien cacher, cette orientation me convient parfaitement. Les sons bruts (field recording) ont été captés sur l’île de Jeju (Jeju est une province de Corée du Sud), l’esprit de JANG étant de transformer des sons familiers en un monde étrange, sortant de l’ordinaire, et de nous emmener découvrir ces nouvelles formes sonores en laissant errer notre imagination.

Ainsi "Buena Vista" ou "Drama Shatterers" nous enveloppent d’atmosphères de salle de serveurs qu’on imagine enfouies au cœur d’un vaisseau extra-terrestre flottant dans l’espace. Ces titres ne sont d’ailleurs pas sans posséder une petite ressemblance avec ce que pouvaient nous proposer certains passages dans le jeu vidéo Halo ; en tout cas ils auraient été parfaitement raccords avec cet univers ou d’autres similaires. De son côté, le titre introductif "The Edge of the Island" joue sur des souffles de grésillements, semblables à un brouillard de bruit blanc, d’où émergent certaines percussions dont elle prolonge les vibrations ; l’atmosphère du titre s’assombrit nettement vers ses 2/3 quand la disparition des grésillements laisse place à une sorte de grincement répétitif qui se propage dans un décor vide et glacé. "Lying Grass" mélange des échos de percussions et diverses trouvailles sonores, là aussi un excellent titre dans une atmosphère d’environnement technologique déserté, voire des salles ou corridors angoissants. "Regular Irregular" prolonge l’exploration de décors sombres dans lesquels les machines et moteurs dominent, ce titre est plein de vie mécanique et industrielle… superbe !

Nombre de titres incorporent des voix littéralement aspirées dans des nuées de grésillements ("Zero", "Machinery", "Melody Free") dont elles tentent de s’extraire sans jamais y parvenir, faisant parfois penser à un appel du muezzin complètement déchiqueté. S’invitent également des passages de field recording moins transformés, comme ce qui semble être un camion de ramassage de déchets ("Layers of Days", "Machinery"). "Inherited Mess" combine abrasivité, atmosphères d’usine et voix déformées dans le lointain, un vrai parcours au sein d’un complexe industriel dans lequel l’auditeur chemine, là aussi un joli travail agrémenté de nombreux ornements sonores. L’industrie, ou l’atelier de mécanique, on la retrouve sur le formidable "Melody Free", patchwork et assemblage de sons particulièrement fascinants et immersifs qui virent en un génial capharnaüm. Après une introduction faite de grésillements qui peuvent faire penser au vent ou à la mer battant l’île volcanique de Jeju, "Consistent" ou "Machinery" oscillent entre polyrythmies métalliques endiablées et beats technoïdes incrustés de voix aux accents tribaux. "Coke Belly Bounce", c’est l’alliance d’environnements technologiques, voire spatiaux, et de bordel noisy, également de grandes richesse et inventivité. "Shaman Mania" est également un passage plein de vie mais une vie totalement artificielle (insectes, oiseaux ?), laissons notre esprit vagabonder afin de deviner de quoi il pourrait en retourner.

L’album est très généreux, dense (de plus de 90 minutes de 'musique') et il prendra clairement du temps à être assimilé. Si vous aimez les environnements industriels et technologiques, alors considérez bien cet album car c’est une vraie réussite, il est formidable. Certes un poil long mais JANG réalise là avec Consistency ce qui est pour moi son meilleur album, un petit chef-d’œuvre dans son genre.

Note : 4.5/5.