Me And The Glassbirds est le sixième album solo de la productrice, multi artiste et compositrice sud-coréenne basée à Séoul et qui est diplômée du San Francisco Art Institute in New Genres * (2013), un album qui est présenté comme étant le plus intransigeant de sa discographie lorsqu’il est sorti début 2023 (son premier album est sorti en 2016). C’est aussi un de ses albums les plus enthousiasmants (avec Consistency sorti la même année) compte tenu de la diversité de ses compositions, de son concept, de sa palette d’approches, l’ensemble étant – malgré tout - relativement lisible pour de la (harsh) noise et de l’expérimental. Il faut avouer que la noise est un genre musical qui peut facilement rebuter, devenir hermétique, inaccessible ou incompréhensible, y compris pour ceux habitués aux musiques expérimentales abstraites.

Me And The Glassbirds c’est notamment un narratif que je reprends et résume ci-après : Jang imagine un laboratoire où elle couve des oiseaux à partir d’un bricolage de sons peints. Ces oiseaux de verre, construits avec des pièces fragiles, transparentes et souvent défectueuses, se détériorent ; de nouveaux oiseaux de verre émergent d’eux-mêmes, combinant et formant finalement une image miroir de leur créateur. Craignant ce qu’elle voit dans ses créatures, elle tente de déplacer leur nid à un endroit sûr. Mais il est trop tard. À mesure que le troupeau grandit, elle porte un lourd voile pour se protéger et lève une fronde contre eux. Une par une, elle fait tomber ses créations et écrase les fragments de leurs corps sous ses pieds. Une fois tous détruits, elle enlève son voile et commence à rassembler les morceaux chatoyants de ses créations mortes.

Ce scénario se lit évidemment à travers les titres : au commencement est l’œuf "In The Egg", puis après conception des oiseaux ("Manufacture", "Wings Customization") surviennent les problèmes ("Our Brief Eternity", "Taste of Metal", "A Personnal Matter") avant la récupération de ce désastre ("Electric Feathers", "Chirp1405"). S’agissant d’oiseaux des piaillements et sifflements sont bien entendu de la partie.

Pour faire court, Me And The Glassbirds c’est environ 60 minutes de bruits métalliques, de souffles de grésillements, de mécaniques industrielles "Taste of Metal", de sons d’ateliers "Prototypes", de drone ("Machine Birds Fly", "Promotion Day"), d'électricité "Electric Feathers", de field recording (voix, éléments liquides, objets métalliques qui tombent comme des grêlons…) Ceux qui sont amateurs ‘d’ambiances et de bruits industriels’ seront donc bien servis ici.

Si toutes les compositions ne procurent pas le même engouement, on tient là quelques jolies pépites enchanteresses. Notamment les percussions métalliques parfois grinçantes de "Our Brief Eternity", morceau de plus de 13 minutes, qui peuvent faire penser en termes de textures sonores à celles de "Requiem pour un Con" de Serge Gainsbourg ; c’est un titre époustouflant de trouvailles et d’inventivité. La fin de ce titre et le début de "Taste of Metal" ne sont rien d’autre que du dark ambient sinistre qui met à genoux la quasi-totalité du catalogue du label Cryo Chamber. Les motifs rythmiques de "In The Egg", un titre proche de l’IDM, se combinent avec des objets qui râclent par frottement. "Wings Customization", avec ses voix filtrées et évanescentes, nous mène vers des états de consciences altérés, "Prototypes" ou "Promotion Day" n’étant pas en reste question atmosphères psychédéliques.

Malgré toute sa dureté, son étrangeté, et parfois son abrasivité, Me And The Glassbirds est une œuvre qui pourra être domptée sans trop d’efforts pour la plupart. En revanche, ceux qui sont rétifs à cette musique électronique le resteront car elle n’est pas non plus facile d’accès (et je reconnais que sortir des sentiers battus sur un site généraliste est pour le chroniqueur un peu une gageure, voire une forme de suicide…) Ceux qui préfèrent un album noisy avec des atmosphères tirant plus vers le dark ambient pourraient y trouver mieux leur compte avec le suivant Consistency.

Note : 3.5/5. Un bel album, original, que je recommande pour les amateurs du genre.


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