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B.O FILMS/SERIES

1998 The Truman Show

BURKHARD DALLWITZ/PHILIP GLASS - The Truman Show (1998)
Par ARCHANGEL le 21 Avril 2025          Consultée 449 fois

AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Et si vous n’étiez qu’un produit ? Qu’un personnage de série dans une histoire écrite par et pour d’autres ? C’est le cas de Truman Burbank, un des plus beaux rôles de Jim Carrey - main character du film The Truman Show réalisé en 1998 par Peter Weir - mais aussi star de sa propre émission de télé-réalité. Comédie dramatique, le film est surtout un cauchemar en technicolor, une dystopie dont la lecture est prophétique car si Truman vit peut-être dans un monde prétendument parfait, il vit surtout dans un univers où les surfaces sont enjolivées pour mieux lui cacher son propre emprisonnement. Pour accompagner le propos, la soundtrack - composée d’oeuvres de Burkhard DALLWITZ et de Philip GLASS, mais aussi d’un peu de classique (CHOPIN, Wojciech KILAR) et de rock vintage (T.REX) - donne un joli mélange hétéroclite qui traduit tour à tour les émotions, la manipulation et la prise de conscience. Une partition schizophrène qui réveille Truman mais aussi les spectateurs.

C’est DALLWITZ qui s’occupe de la plus grande portion de cette bande originale et ouvre les hostilités avec "Trutalk". On y imagine volontiers Christof (joué par Ed Harris), le créateur du Truman Show, faire la promo de ce show regardé aux quatre coins de la planète, un synopsis servi sur une instrumentale épique, la bande-son de la façade, celle qui habille le néant de Seaheaven où se situe l’intrigue. Musique d’ouverture, faux journal télévisé, faux monde. Depuis sa régie, Chistoph contrôle ce mensonge sans faux plis. Les cloches sont au rendez-vous, les cordes sont dramatiques, les nappes de synthés stériles comme un voyage dans l’espace rempli de promesses artificielles.

Ambiance feutrée de sitcom légère façon générique d’un réel préfabriqué dans "It’s A Life". DALLWWITZ crée une structure logique faite de piano, de synthés aériens et de percussions martiales ; sous le vernis, le mensonge sourit. C’est le jingle de l’illusion, du rien et si la douceur doit être présente dans ce monde, alors elle sera clinique. En moins de temps qu’il nen faut pour le dire, le compositeur parvient à introduire une véritable tension sous la comédie, tant sa musique suggère une vérité qui trotte sous la surface. Sur une reprise de "20th Century Boy", on devient spectateurs des quelques instants de vie où Truman a pu vivre des émotions authentiques, une ironie rock’n’roll piquante qui représente merveilleusement bien l’intrusion du libre-arbitre dans son existence.

Le décor posé et le récap passé, Truman retrouve son meilleur pote dans l’épisode du jour et partage son plus grand rêve : se rendre aux îles Fidji. Sublime, le morceau "Dreaming Of Fiji", joué par GLASS, raconte une destination impossible avec ces synthés cristallins et ce piano qui persiste à vouloir s’envoler comme un fantasme d’évasion, tout en étant toujours dans la retenue. On croirait entendre la mer, la liberté ; elles sont aux pieds de Truman, mais partir est un mythe car il se heurte à une barrière invisible, sa phobie de l’eau créée de toute pièce par la production pour l’empêcher de s’échapper. On le comprend vite, l’eau est l’élément clé du show, c’est la porte de sortie. Le minimalisme est de rigueur, quelques gouttelettes de notes, beaucoup de silences : "Aquaphobia" et les textures voilées de "Flashback" décrivent cette eau, la mémoire des traumas de notre héros, la métaphore d’un monde hors cadre.

Christof a beau avoir toute une équipe de production, on n’évite pas quelques failles dans la matrice, alors Truman commence enfin à se poser des questions, observe et forme ses premiers soupçons après 30 ans de manipulation. Et s’il ne vivait pas mais interprétait une existence qu’on avait écrite pour lui ? "Anthem - Part 2" de Philip GLASS (extrait d’un film dont il avait signé la B.O dix ans plus tôt) est l’hymne de cette réalisation. GLASS répète les mêmes motifs avec une mécanique digne du rituel, ça tourne en boucle comme la foi de notre cher Christof, qui prie dans sa régie pour que Truman ne découvre rien de la supercherie, ce qu’il fera pourtant sur "The Beginning" (GLASS, toujours), un morceau chaotique et urgent, proche d’un big bang sonore froid et exact.

"Romance-Larghetto" joué par Arthur RUBINSTEIN fracture le faux avec l’intrusion du réel. Et ce réel, Truman tente de s’y rendre sur les percussions sourdes et les cordes menaçantes de "Drive", même si un petit groove appelant à l’aventure est à portée de main. La tension monte sur les cordes graves et les nappes atmosphériques sombres de "Underground". La musique de DALLWITZ retranscrit le suspens psychologique que vit notre protagoniste, faisant de cette prétendue comédie un thriller du mensonge quotidien. La situation empire dans cette scène mythique de publicité prodiguée par la femme de Truman, l’interlude "Do Something!" poussant notre héros à agir.

Les spectateurs du Truman Show pensent être témoin d’une belle résolution lorsque Truman retrouve son père sur l’instrumentation spectrale de "Reunion". Tout le monde y croit, même Truman, et pourtant tout n’est qu’un simulacre orchestré par Christof, alors on regarde dans notre télé des émotions mises en scène pendant que, derrière ses grandes cordes, la musique pleure. Bref intermède de rétrospective sur le piano sublime de "Truman Sleeps" qui incarne l’angoisse douce de l’abolition du libre-arbitre du héros. Derrière le masque de douceur des notes de piano, la musique ne chante pas l’apaisement. Quand Truman dort, la planète entière le regarde et ce titre est le requiem d’un homme qui n’a jamais eu le droit de rêver. Moment suspendu, morceau culte, GLASS compose pour une société sous sédatif et apparaît même dans le film en train de jouer en régie. Une chanson déchirante qui raconte tout.

Quand on se laisse un peu trop bercer dans des mondes parfaits, on peut se faire prendre à son propre jeu, et c’est ce que Christof découvre au matin, Truman s’est échappé, un retournement de situation qui stoppe momentanément la diffusion du programme après 10’913 jours en continu. On retrouve tout de même Truman après une chasse à l’homme télévisée, il joue les marins en pleine tempête préfabriquée sur deux morceaux de DALLWITZ, "Truman Sets Sail" et l’excellent "Underground/Storm". La musique s’élève, la rythmique s’accélère et si les cordes sont grandioses, les percussions, elles, trouvent un sens symbolique. Truman quitte la terre ferme, la mer comme porte de sortie. La montée orchestrale est torrentielle mais ne joue pas les prolongations, quand l’homme affronte la mer c’est la fin d’une illusion mais pas encore le début d’une vérité.

Mais la beauté, le courage et la volonté prennent le pas sur la manipulation. Même quand le ciel se déchire, Truman résiste. Et là, enfin, la musique respire. Truman vogue sur "Raising The Sail" joué par GLASS. Renaissance, lumière dans un piano. Mélodie simple pour accompagner l’ascension d’un personnage qui devient un individu, le baptême d’un homme qui n’a jamais eu le droit de l’être. Cette fois, ce n’est plus l’eau qui bloque mais l’eau qui sauve. Le piano est long, c’est un passage, une boucle qui dénoue ce qui n’était pas un film mais bel et bien la vie d’un homme. Quand Truman tire sa révérence, GLASS joue l’extase sur "Opening", rien de moins qu’un de ces chefs-d’oeuvre où le piano martèle.

Dans cette bande-son au frontière d’une science-fiction plausible, DALLWITZ et GLASS créent un faux réel qui anesthésie autant qu’elle n’éveille les sens. Les sensibilités des deux compositeurs chantent un langage qui s’enroule sur lui-même, ils y déploient leur art ; froid et pragmatique pour DALLWITZ, minimaliste et transcendant pour GLASS. Respect éternel pour ce film dont les musiques peignent l’azur sur les murs d’une cage. The Truman Show, c’est une critique sociale contemporaine, une prophétie où l’on brise volontiers ce quatrième mur pour nous ramener à la réalité, nous aussi. Sommes-nous aussi en train de dormir ? Et si tout le monde jouait aujourd’hui, par un drôle d’enchaînements d’événements, le rôle de Truman, mais aussi celui de Christof ? Et si, comme The Truman Show, la vie c’était le vertige d’un choix ? Aux prémices d’une ère qui vit pour l’économie de l’attention, DALLWITZ et GLASS signent ici la soundtrack d’un monde qui vous regarde.

« We accept the reality of the world with which we are presented. It’s as simple as that. »
— Christof

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- Burkhard Dallwitz
- Philip Glass
- Arthur Rubinstein


1. Trutalk
2. It’s A Life
3. Aquaphobia
4. Dreaming Of Fiji
5. Flashback
6. Anthem - Part 2
7. The Beginning
8. Romance-larghetto
9. Drive
10. Underground
11. Do Something
12. Living Waters
13. Reunion
14. Truman Sleeps
15. Truman Sets Sail
16. Underground/storm
17. Raising The Sail
18. Father Kolbe’s Preaching
19. Opening
20. A New Life
21. 20th Century Boy



             



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