AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

En cette fière année 1993, Michael MANN a le bon goût de proposer à Trevor JONES de présider à la destinée de la BO de son dernier film : « Le Dernier des Mohicans ». Qui a lu le roman de Fenimore COOPER ne peut rester insensible aux valeurs prônées par ce bouquin d’enfance : honneur, loyauté, force et foi en sont les symboles, tout un programme. La musique se devra d’être à la hauteur. Les thèmes principaux sont donc l’œuvre du Sud Africain Trevor JONES, alors que les secondaires proviennent de la plume de Randy EDELMANN, appelé à la rescousse pour terminer la bande son suite aux nombreux retards accumulés par le metteur en scène durant le tournage. Cette BO est considérée à juste titre comme la principale réussite de JONES, découvert 15 ans plus tôt par John BOORMAN pour la Bande Originale de « Excalibur ».

Le titre éponyme ouvre le bal avec son thème grandiloquent, simple et efficace, nous le retrouverons tout du long de la BO : parfois lent, souvent dynamique, toujours avec à-propos. Nous en découvrons la meilleure variation sur « Massacre » qui voit les Hurons attaquer les survivants du Fort, prétexte à la mise en avant des performances guerrières des Mohicans. Beaucoup de percussions provoquent une ambiance toute en traumatisme que ne renieraient pas les grands arythmiques comme BARTOK ou XENAKIS. Toujours est-il que la mélodie hypnotique se grave dans l’esprit avec force. L’épisode de la chasse au cerf sur « Elk Hunt » plonge l’auditeur dans une ambiance oppressante comme il se doit.
Certains passages touchent à un romantisme exceptionnel comme sur « The Glade » ou Daniel Day Lewis profite de toute la classe de « Nathanaël Œil de faucon » pour faire craquer la magnifique Madeleine Stowe.
« Fort Battle » ou « Ambush » évoquent les fréquentes scènes d’action avec talent.

Mais la grande réussite de cette BO est présente sous la forme d’un air celtique absolument divin : « The Gael », que l’on va retrouver sur « The Kiss » de manière assez fruste, puis à nouveau sur la grande scène finale des combats opposant les Mohicans aux Hurons. La mélodie répétitive et lancinante se grave dans l’esprit comme une trainée boréale, une lumière inextinguible frappe l’auditeur comme une révélation. Ce fut mon cas. Et la magie opère encore remarquablement plus de 16 ans après. « Promontory » est ce chef-d’œuvre mixant des influences issues de toutes parts : le violon est d’extraction celtique, les percussions semblent en droite ligne issues du folklore Sioux, et l’orchestration représente la modernité. Le thème principal se mêle au thème traditionnel, en une rencontre improbable et irréelle. Il faut dire que la scène du film est superbe visuellement, avec les Appalaches en toile de fond, et les sentiments narrés ici sont dignes de notre intérêt. Pour le moins. Certes c'est du grand spectacle, mais une sacré réussite !
Signalons toutefois que « The Gael » est l’œuvre du chanteur écossais Dougie MACLEAN, elle date de 90, ce n’est donc pas un air traditionnel, malgré la coloration obtenue dans le film.

Une belle BO à écouter dans le recueillement si vous souhaitez vous réincarnez quelques fugaces instants sous les traits d'Œil de Faucon "Longue carabine", héros du folklore amérindien.