Le renard, caché dans son terrier, observe le monde extérieur qui se déploie tout autour de lui. Il est rentré sous terre, à l'abri des chasseurs. Une silhouette de chouette se détache devant l'éclat de la pleine lune. Une odeur de nature, une sorte de fraîcheur émane de cet environnement aux dominantes de vert et beige, qui constitue un écrin idéal pour la musique qu'il contient, belle, reposante, mélancolique.

« Hymn » possède comme un quelque chose d'universel. Un chant clair et quasi-religieux, une orchestration qui monte en puissance, c'est un véritable hymne. Hymne religieux en apparence, les paroles évoquant la vie de Jésus, mais avec un sens caché. Les paroles constitueraient en réalité une parabole de l'état second dans lequel se trouve quelqu'un lorsqu'il a consommé quelque substance illicite.
Le groupe, en concert, avait en effet l'habitude de dédier cet « Hymn » à Jimi Hendrix, Paul Kossoff, Janis Joplin... tous victimes de la drogue.
Le deuxième titre phare de cet album est sans hésiter « Poor Man's Moody Blues ». Ce morceau se réfère à la comparaison récurrente effectuée entre BJH et THE MOODY BLUES. Le titre reprend une expression d'un journaliste de l'époque taxant BJH de « Moody Blues du pauvre ». Agacé par ces comparaisons, John Lees prend donc ici sa revanche en destructurant totalement « Nights In White Satin », tube des MOODY BLUES, ne conservant que la structure de base, en créant à partir de ça quelque chose de totalement différent.

Le reste de l'album, souvent considéré comme plus anecdotique, est pourtant tout aussi idyllique. Chaque titre a son petit truc qui le rend unique, toutes les mélodies sont attachantes et se différencient facilement les unes des autres. Chose que l'on ne pourra pas dire sur d'autres albums de BJH.
Même les paroles sont intéressantes et balayent tout un champ de sujets. Les Holroyd aborde le thème de l'industrie de la fourrure animale dans « Spirit On The Water ». Ce slow de structure plutôt simple s'ancre dans la tradition du pop-rock britannique, avec un supplément d'âme apporté par les choeurs aériens et les claviers de Woolly Wolstenholme. Quel dommage, d'ailleurs, que ce dernier ne nous gratifie que d'une seule composition, « Sea Of Tranquillity ». Ce morceau aérien et grandiose semblant condenser toute la mélancolie du monde évoque la futilité de la course à l'espace dans les années 60/70.

Mais ne croyez pas que l'on déprime en écoutant cet album. Certains titres ont une atmosphère plus joyeuse et un rythme plus enlevé. « Hard Hearted Woman », aux riffs accrocheurs et à la mélodie aisément mémorisable, est sans doute le titre le plus commercial de l'album, mais il est réussi, rien à redire. Cependant, il est le reflet de la tendance de Les Holroyd à vouloir se débarrasser du côté symphonique de BJH et tendre vers une simplification des compositions. Dans cette catégorie, il y a aussi « Leper's Song », qui aborde la question de la pression au travail !

Bien sûr, on n'échappe pas aux thèmes plus traditionnels, quelques belles chansons d'amour parcourant l'album (« Love Is Like A Violin », « Taking Me Higher »).

En bref, Gone To Earth est l'album phare des BJH. Beaucoup moins progressif que n'ont pu l'être leurs albums précédents, mais aussi avec une délicieuse saveur de classique universel, cet album mérite d'être reconnu à sa juste valeur.