Voilà une enfant de la balle. Isabel Gilberto de Oliveira est la fille de l’immense Joao Gilberto (un des créateurs de la Bossa Nova) ainsi que de Mucha, chanteuse populaire du Brésil et accessoirement soeur de Chico Buarque. La fillette fait ses premiers pas à 9 ans au Carnegie Hall de New York en accompagnant sa maman et Stan Getz, ça fait presque sourire… Bref, vous situez le personnage, venu au monde avec une cuillère de platine dans la bouche. On pourrait se dire : encore une fille à papa, aucun intérêt, beuark ! Et on pourrait bien se tromper. Regardez plutôt : le premier élément peut surprendre car la belle Carioca ne sort son premier album qu’à l’âge peu tendre de 34 ans. Voila qui est surprenant, et certains d’entre vous se souviendront d’ailleurs de son méga succès « Tanto Tempo » qui tourna en boucle sur les radios il y a 10 ans.

Du coup, ce All In One n’est que son quatrième album. Entièrement mâtiné de culture brésilienne, parfois chanté en anglais parfois en portugais, on y aborde avec bonheur tous les styles afférents à la terre du carnaval : c’est ainsi que la petite Bossa de « Nossa Senhora » présente bien des réminiscences avec l’œuvre de son père, mais sa voix est bien meilleure que celle de sa belle-mère Astrud Gilberto qui popularisa en son temps les versions de « The Girl From Ipanema » et autres. Mais ne vous y trompez pas, c’est bel et bien une composition moderne écrite avec le concours du phénoménal percussionniste brésilien Carlinhos Brown, celui-là même que l’on peut retrouver sur les grands albums des groupes brésiliens tous styles confondus : du Chaos AD de Sepultura aux œuvres complètes des Titas punky de Sao Paulo. Carlinhos offre aussi à Bebel le titre « Ela ».

Les percussions tribales et l’aspect synthétisé de « The Real Thing » ne doivent masquer en aucun cas l’excellence du titre qui louche du côté d’un Jazz-Funk propre aux cultures métissées. Je lui trouve même un petit air de BO de James Bond et c’est vraiment bien agréable. Là encore, ne soyez pas surpris, c’est le grand Stevie Wonder qui composa cette ode il y a prés de 35 ans. Le piano angoissant et sourd de « Secret » provoque une ambiance dramatique soutenue tout du long par un chant céleste de Bebel. Jusqu'à l’arrivée d’une guitare acoustique d’outre espace, les chœurs et le rythme de ce titre en font un véritable must de pop music. Assurément le point d’orgue de cet ensemble musical si particulier.

L’intervention du fils de Tom Jobim, Dan, au piano, sur le classique du papa « Bim Bom » est touchante. On nage dans un bain de Bossa Nova. « All In One » touche un aspect plus pop, un domaine dans lequel la Brésilienne excelle depuis son premier album. C’est extrêmement bien foutu. Cela sonne presque paradisiaque, une chanson de vacances, qu’on imaginerait écouter sur une des plages magiques de Rio de Janeiro, en regardant déambuler les plus belles filles du monde tout en sirotant un « maracuja » glacé. « Forever » est nimbé d’une douceur irréelle. J’y ressens l’influence du tonton Buarque. La même douceur émane de « Port Antonio » pour une composition plus éloignée des standards brésiliens, un piano simple enrobe la voix de la carioca avec sérénité, dans un élan symbiotique charnel. Il faut se rendre à l’évidence toutefois, depuis la très maternelle « Cancao de Amor » qui ouvre l’album, il n’y a là que paix et tranquillité, des visions oniriques toutes de plénitude.

Soulignons le fait que Bebel a composé la grande majorité des chansons composant l’opus. Pour tous ceux qui recherchent l’apaisement ou la quiétude, je leur conseille ce All In One qui fait honneur à la fille du gigantesque Joao Gilberto. C’est cela, se faire un prénom !