C’était en octobre dernier, à Caen. On ne sait pas trop pourquoi, on ne sait pas trop comment, APHEX TWIN s’y trouvait en concert, à l’affiche d’un célèbre festival électro. Il fallait voir cette légende rouquine aux platines, provoquer d’abord son public à coup d’ambient, pour mieux l’assommer ensuite d’une heure de techno sans compromis. Un peu avant, alors que le hangar était encore à peu près vide – il est 20h30, l’apéritif normand n’est pas encore terminé –, deux grands bonhommes s’agitaient sur scène, dont l’un plus barbu que l’autre. Un petit public d’amateurs s’était regroupé aux pieds du duo, en signe de résistance. Le programme annonce Dan LE SAC et SCROOBIUS PIP, respectivement DJ et rappeur britanniques. Et là ! BOUM ! La révélation ! Voilà enfin le groupe d’électro-rap que j’attendais : nerveux, un poil expérimental et diablement efficace.

Je me procure donc le dernier CD de nos deux larrons : The Logic of Chance, appâté par quelques avis élogieux. Et là ! Psssschit ! La déception… Qu’est-ce que c’est que ce vieux machin inabouti ? A force de brasser les influences, le pauvre Dan LE SAC en vient à remettre en cause l’existence même du mot « personnalité ». Son compère SCROOBIUS PIP (le barbu c’est lui), se perd dans un prêchi-prêcha douteux et bourré de clichés.

Ça donne envie, hein ? Et pourtant… tout avait bien commencé sur « Sick Tonight » et son drum n’bass halluciné. Tout le malaise des soirées électro s’y retrouve, entre lumières stroboscopiques et semelles collantes de bière renversée. L’ami SCROOBIUS signe ici son meilleur texte, fluide, rythmé.
Patatras… tout s’effondre avec « Five Minutes », un titre mou et mal accordé, où quelques trouvailles électroniques portent à bouts de bras un volet rap déjà en détresse. La suite de l’album est une litanie d’échecs où la pauvreté des textes plombe une performance de DJ parfois percutante à défaut d’être originale.

La pire dans tout ça, c’est qu’on nous vend les textes de SCROOBIUS PIP comme de la poésie. Après tout, on peut très bien s’accommoder de quelques textes médiocres tant qu’on n’essaye pas de les faire passer pour ce qu’ils ne sont pas. Mais prétendre que l’on écrit de la poésie, ou à la rigueur, que l’on pratique le slam, quand même un francophone se roule par terre de rire en écoutant les fables moralisatrices de l’ami SCROOBIUS, c’est juste complètement absurde. L’apothéose du grand n’importe quoi est atteinte sur « Great Britain » et « Get Better ». A ma gauche, « Great Britain », titre dance qui mêle dilemme patriotique, statistiques sur la violence et complainte sur la jeunesse en déroute. A ma droite, « Get Better », sorte d’hymne télévangéliste contre le sexe facile et les excès de psychotropes… Deux poids lourds du ridicule. En fait, le contenu du discours de SCROOBIUS n’est pas forcément stupide ; avec ses idées, on peut écrire des textes intelligents sur le mode de vie des jeunes, sur la « libération » sexuelle, sur la violence, sans recourir à une expression aussi limitée. Ça c’est bien, ça c’est mal… oui, mais encore ?

De DAN LE SAC Vs SCROOBIUS PIP je préfère retenir un bon concert, et oublier un album médiocre. Si, comme moi, vous avez découvert ce duo au détour d'un festival, ne fréquentez pas cette chose, lisez plutôt les paroles de Get Better et riez un bon coup.