DUST RHINOS, c'est un peu le degré zéro du folk celtique. Amateurs du folk chiadé de Great Big Sea, amoureux transis des Pogues, nostalgiques d'Oysterband, vous pouvez passer votre chemin tranquillement sans vous attarder sur cet ersatz d'album tout juste bon à caler une armoire bancale... Pourtant, sur le papier, ce groupe canadien a tout pour séduire. Se réclamant de l'influence des groupes cités plus haut, ces 5 gusses se veulent porte-parole d'un punk/folk celtique « comme à la bonne époque », énergique et dansant, parfaitement approprié pour se prendre une cuite sympathique dans le bar irlandais du coin... A vrai dire, DUST RHINOS donne effectivement envie de boire, mais pour oublier l'indigence et la platitude des reprises ici proposées.

Comment aujourd'hui parvenir à rendre à nouveau intéressant un patrimoine musical maintes et maintes fois interprété ? En se l'appropriant, en apportant sa touche personnelle capable d'offrir à ces morceaux que l'on connaît, dans tous les cas, déjà largement par cœur, cette petite étincelle qui va de nouveau attiser l'intérêt. Visiblement, DUST RHINOS a oublié cette étape. Car les traditionnels celtiques ici proposés sont dotés de cette rigueur métronomique, de cette absence totale de folie douce qui caractérise les interprètes débutants. Pour essayer de faire parler de soi de nos jours en proposant des relectures des ultra-classiques que sont « Lanigan's ball » ou « Mari Mac », il en faut une sacrée paire sous son kilt, et oser explorer des ambiances que ses prédécesseurs n'ont pas encore défrichées. Pas de bol, les Canadiens n'ont pas grand-chose sous leur tartan et se font très scolaires dans un style pourtant totalement débridé. Avec quatre albums à son actif, d'aucun aurait pu attendre bien mieux de ces folkeux de mes deux qui ne ménagent pourtant pas leurs efforts.

Musicalement, DUST RHINOS maîtrise son sujet sur le bout des doigts. Flûtes, mandoline et bodhran s'en donnent à cœur joie sur ces 23 morceaux que compte l'album. La voix de Blair McEvoy, grave et impliquée, joue parfaitement son rôle. Mais voilà, le groupe se heurte à deux écueils : la durée bien trop longue de l'opus (plus d'une heure) et surtout ce manque d'inventivité et d'originalité dans ces reprises qui retombent le plus souvent à plat. C'est le cas des deux morceaux précités (« Lanigan's ball » et « Mari Mac »), pourtant délectables dans leurs interprétations par Fiddler's Green ou Great Big Sea, mais ici inintéressantes au possible. Il en va de même pour « Rocky Road to Dublin », à des années-lumière de la version proposée il y a quelques décennies par les Dubliners. Ainsi, chacun des morceaux proposés par les DUST RHINOS peut être isolé et comparé à une interprétation précédente par d'autres artistes, annihilant totalement les éventuelles qualités d'un opus qui ne convaincra très probablement que les personnes étrangères à ce répertoire.

Lueur d'espoir dans ce marasme, la relecture celtique de « Horse with no name » (America) est un peu le trèfle à quatre feuilles dans la pinte de Guinness croupie, tant et si bien que l'on se dit que l'album aurait été bien plus convaincant s'il avait été composé uniquement de morceaux de ce type. Malgré tout, Prehistoric est un album indigent signé par un groupe qui semble tout sauf indispensable dans une scène folk celtique foisonnante et en constant renouvellement. A éviter.