Ça faisait longtemps que je n’avais pas encombré le site de mes digressions sur la discographie de Richard D. JAMES. Certains, peu méfiants, ont sans doute cru que j’en avais fini avec APHEX TWIN et tous ses pseudos dérivés. Non. Il me reste un dernier joker dans la manche : le célébrissime CAUSTIC WINDOW (essayez au moins de prendre un air convaincu quand vous lirez 'célébrissime').

L’aventure CAUSTIC WINDOW commence en 1992 sur Rephlex, avec la sortie de deux E.P : Joyrex J4(fi] et Joyrex J5. L’année suivante, deux autres E.P voient le jour : Joyrex J9 et Joyrex J9ii. Puis, comme toujours avec notre ami cornouaillais, les sorties clairement identifiées laissent place au flou des albums confidentiels. La légende raconte qu’en 1994, Richard D. JAMES aurait enregistré un album pour compléter la série des E.P, mais que cet album a seulement été distribué à quatre personnes : Richard D. JAMES lui-même, le co-fondateur du label Rephlex Grant Wilson-Claridge, CYLOB, et µ-ZIQ. Tant pis pour nous. Fait inhabituel dans la discographie de M. JAMES, les quatre E.P ont été rassemblés sur une compilation sortie en 1998.

Les plus malins ont flairé le traquenard : 'Mais pourquoi ne se contente-t-il pas d’un article sur la compilation ?'. Bravo, bien joué, vous commencez à me connaître ! Tout simplement parce que quatre E.P, c’est quatre fois plus d’occasions de raconter n’importe quoi sur des chroniques que personne ne lit ! J’ai quand même un semblant d’argument décisif : la compilation sortie en 1998 a omis les titres "R2D2" et "Popcorn", ce qui est tout à fait scandaleux.

"Popcorn", justement. Faites le test, allez sur un site qui propose de la musique en ligne avec une qualité digne de la BBC des années 40 et tapez "Popcorn". Vous trouverez certainement la version de Gershon KINGSLEY ou celle de HOT BUTTER. Ecoutez. Bien. Vous voilà partis pour deux mois de calvaire avec cette mélodie débile dans la tête. Il faut savoir que depuis que ce morceau existe (1969), il est devenu une sorte de passage obligé des DJ amateurs du monde entier. Tout le monde a remixé "Popcorn" au moins une fois, Richard D. JAMES aussi, et c’est seulement sur l’E.P Joyrex J4.

Le reste de l’E.P est mi-figue mi-raisin (un jour il faudra m’expliquer comment la figue, chose insignifiante, a pu inspirer autant d’expressions dans autant de langues différentes). L’influence du premier Analogue Bubblebath (1991, cf. AFX) se fait encore bien sentir. Les amoureux des glougloutements synthétiques trouveront leur bonheur sur "Cordialatron", le premier titre de la face B. Son vis-à-vis, "Joyrex J4", est beaucoup plus orienté techno, c’est d’ailleurs l’un des meilleurs morceaux de Richard D. JAMES dans le genre. Un morceau pareil, lâché en concert, produit immanquablement son effet.

Les deux derniers titres de chaque face ne trouveront grâce qu’auprès des caustiquiens fanatiques (ça existe). "Italic Eyeball" est un drôle de morceau teinté d'exotisme, avec quelques chœurs vaporeux en fond sonore. "AFX 114" propose quant à lui une rythmique techno plus que banale, heureusement que ça ne dépasse pas la minute.

Vingt ans après, à quoi bon écouter CAUSTIC WINDOW ? Les admirateurs d’APHEX TWIN négligent souvent ce pseudo trop techno, trop vieux, trop confidentiel. Remixer "Popcorn", ça ne cadre pas vraiment avec l’image de grand manitou de l’expérimentation électronique qu’on a bâtie autour des absences du principal intéressé. En fait, si ce Joyrex J4 trouve encore sa place dans bon nombre de caisses à vinyle, c’est peut-être parce qu’il offre quelques pistes à ceux qui voudraient comprendre l’étrange histoire de la Techno, faite de constant vas-et-viens entre les Etats-Unis et l’Europe.