On n'aura pas eu trop à attendre entre la parution du Slow EP et de ce premier vrai album de RUMER. Une certaine rage m'a cependant envahi le jour J, lorsque j'ai dû courir dans tout Avignon pour faire trois magasins de disques, avant d'apprendre que la sortie de Seasons of my Soul était décalée d'une semaine ! Des farces comme ça, heureusement ça n'arrive pas trop souvent. Et l'album avait intérêt d'être bon. Slow EP était tellement charmant ! Sur ce coup-là, je dois dire que je n'ai pas été déçu.

Avec Seasons of my Soul, RUMER réalise une bien jolie rentrée de février. C'est une sortie majeure (j'ai envie de dire, un peu comme toutes les nouveautés que j'ai chroniquées ces derniers temps), l'album entier figure parmi ce qui se fait de mieux dans la branche de la variété internationale mélangeant jazz, blues, folk... Et le côté "old-school" de préférence lent habille le tout d'une grande élégance. Complètement à l'image de la chanteuse. Celle-ci arrive, en une douzaine de chansons, à émouvoir encore plus que n'ont pu le faire Norah Jones et Katie Melua sur leurs premiers albums avec autant sinon plus de réussite quant à la composition. A noter pour celle-ci que Seasons of my Soul reprend trois des quatre chansons du Slow EP, et il va sans dire qu'on ne les retrouvera qu'avec plus de bonheur au milieu d'un paquet d'autres belles idées.

Ne pas se méprendre, "Am I Forgiven ?" qui ouvre l'album est l'un des rares up-tempi de l'opus. Il a ce côté single pop accrocheur naturellement placé au début, avec déjà ces couleurs jazzy, cette ambiance "oldie" qui lui vont comme un gant. Les guitares sont en mode clean, il y a une fine nappe de cordes, ainsi qu'un arrangement de cuivres très en accord avec le ton. Le dédoublement de voix est ravissant, comme la chanson. Dans les autres rythmes plus enlevés, il faut ranger "Saving Grace". L'harmonica y est surprenant mais ne détonne pas et reste très soft, alors que les choeurs portent là encore la chanson très haut, un détail que l'on peut appliquer à beaucoup d'autres du disque.

Car Seasons of my Soul enchaîne les ballades superbes, que ce soit dans un contexte jazz, blues ou folk. Elles peuvent donner l'impression de se ressembler de par leur classicisme old-school et leurs suites d'accords aux couleurs nostalgiques, mais elles ont bien leur identité propre, ce qu'elles doivent surtout à leur instrumentation. "Alfie" et "Come to me High" sont ponctuées par des thèmes de trompette - à la Chet Baker souvent -, qui brise un peu la lancinance de la deuxième. Ah cette deuxième partie façon "sirène perdue au milieu de l'océan"... On est là dans un univers encore plus feutré que les ballades de Katie Melua. Le piano conduit le tout, la voix se fait câline, ce qui donne à "Thankful" un côté très "Autumn Leaves" (les "Oh, I want to be loved... I need to be loved..." sont vraiment trop adorables), ou à "Take me as I Am" un charme particulier : cette intro de rêve, ce refrain en mode majeur aussi simple que magique, ce choeur splendide... Il y a dans toute cette simplicité un effort d'arrangement très classieux. On ne reviendra pas sur les chansons de l'EP bien qu'elles le méritent, en particulier "Healer"... Concluons sur la fin de l'album, plus folk avec "Goodbye Girl" et sa petite autoharpe, ainsi que et surtout "On my Way Home", son orgue Hammond (seul clavier apparent autre que le piano sur le disque) et sa bottleneck guitare, le genre de chanson à écouter les pieds en éventail sur une plage de sable blanc, à l'ombre d'un cocotier.

Trois quarts d'heure de pur bonheur, assurément l'album "smooth" idéal, l'oeuvre la plus élégante de l'année. Joli coup d'éclat, miss Sarah !