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2010 The Dark
 

- Membre : Matt Elliott

The THIRD EYE FOUNDATION - The Dark (2010)
Par MR. AMEFORGÉE le 30 Mai 2011          Consultée 2831 fois

Dix ans après le précédent effort, The Third Eye Foundation revient, un peu contre toute attente. A la fin des années 90, l’artiste avait su se construire une certaine réputation dans le milieu électro avec des albums qui mélangeaient drum’n’bass et ambient et qui nous menaient dans des contrées fantomatiques plutôt saisissantes.
Depuis, Matt Elliott a repris son vrai patronyme et a signé d’excellents albums de folk qui font le bonheur du petit groupe d’initiés qui suivent son parcours et qui ne manquent jamais, à la nuit tombée, de scander son nom comme un hommage à d’obscures divinités païennes.

The Dark se trouve dans la continuité de ses antiques prédécesseurs, avec ce même goût pour la pénombre, les sons pas trop purs, un peu maladifs, grêles et évanescents parfois, avec ces effets d’échos qui se mélangent pour devenir bruit, tout en étant plus proche peut-être de Ghost, le premier album, en moins dissonant toutefois et en plus mélancolique. Cependant, un fossé technique sépare les deux périodes, car le présent objet fait montre d’une subtilité inédite, que le projet acoustique des années 2000 a assurément contribué à atteindre. Il n’est plus question non plus de passages trip-hop comme on en trouvait à l’occasion par le passé.

Sur cinq morceaux, les quatre premiers se présentent comme une suite de mouvements enchaînés de bonne taille. Le dernier, « If You Treat Us All Like Terrorists We Will Become Terrorists », plus bref, malgré ce que l’on pourrait préjuger à la lecture du titre, fait presque figure de bonus-track, en ravivant le bon vieux style drum’n’bass, amen-break épileptique de rigueur autour duquel s’enroulent des nappes horrifiques. De quoi faire passer le petit coup de « Stress » de nos concitoyens Justice pour de la poterie en terre cuite.

Le choix des titres nous invite à interpréter la suite comme un voyage au cœur d’un esprit torturé, la première moitié s’apparentant à une descente aux enfers ou pour le moins à une stagnation au purgatoire des désordres psychologiques (marqués ici par l’anhédonie), et la seconde au lent processus de guérison (qui débute par une reconstruction du sens via le phénomène de paréidolie).

Des grappes de notes de piano miroitantes et tristes en ouverture ; un tempo lent, malgré des boucles rythmiques assez complexes, qui se met en branle ; les effets électroniques qui s’ajoutent progressivement et s’entrecroisent pour créer la texture harmonique, grésillements, tintements argentins, souffles cuivrés, échos et chœurs fantomatiques : c’est « Anhédonia ». Tout concourt à donner une impression de « mouvement statique », selon le procédé de la répétition et de la variation. Utilisons une métaphore visuelle : vous regardez un paysage de nature pendant un certain temps, les arbres oscillent au gré des vents, les nuages paissent nonchalamment, les buissons frissonnent perdus dans leurs rêves de verdure : tout bouge et rien ne bouge à la fois. C’est un tableau, plus qu’un récit : la beauté dès lors, réside dans tous ces détails qui composent la toile, non dans une progression quasiment inexistante, sinon délicatement lente, qui nous narrerait une destinée.

« Standard Deviation » est, logiquement, dans l’exact continuité, ce qui fait que, de cette manière, les deux premiers morceaux sont quasiment d’un seul tenant, « l’écart type » dont il est question ici étant symbolisé par l’apparition de lignes de basse plus opulentes. L’une d’entre elles s’avère d’ailleurs particulièrement mélodique, comme si elle soulignait un chant que l’on ne perçoit pas ou en retranscrivait le souvenir. Les masses sonores tendent à s’agréger et à devenir plus indistinctes aussi à mesure que les minutes s’égrainent.

Ce premier visage de la suite est pour moi le plus passionnant, mais il faut bien admettre qu’il est susceptible de rebuter ceux qui attendent d’ordinaire de l’électro des transformations spectaculaires. Matt Elliott y prouve pourtant toute la science géniale de l’orfèvrerie musicale qu’il a acquise sur la série des Songs.

Deuxième partie : du changement enfin. « Pareidolia », malgré le fondu enchaîné avec « Standard Deviation », marque une certaine rupture, la densité des textures s’affaissant soudain. Le rythme vient se modifier, lui qui était resté jusqu’alors l’élément le plus stable de l’ensemble, s’accélérant et décélérant, puis s’accélérant encore jusqu’à finalement se calmer, comme un cœur qui redécouvre enfin les montagnes russes des sentiments. Les longues lames vaporeuses tracées par les cuivres, qui se répètent encore et encore en tourbillon, donnent l’illusion d’une longue fuite en avant.

C’est alors que « Closure » vient marquer la fin du périple et la paix retrouvée. Les structures rythmiques passées ont disparu et un nouvel ensemble de beats vient les remplacer, plus discrets, sans pour autant être tout à fait différents. Une orchestration lointaine, un peu fébrile tout de même, dans la veine de la musique romantique, se charge de dessiner les traits d’une conclusion heureuse. Nous sommes chez Third Eye Foundation, donc rien n’est grandiloquent non plus. Le tout vient finalement mourir dans un effet de distorsion alanguie. Le cerf blessé à mort de la pochette ferme enfin les yeux. C’est le silence (ou plutôt la tempête du cinquième morceau qui commence), rideau.

Il est malaisé de jeter quelques mots pour conclure après un tel exercice de description. The Dark est un excellent album et fut pour moi l’un des albums forts de 2010 en électro à côté du deuxième Access To Arasaka. Et que Matt Elliott, sous le pseudonyme de The Third Eye Foundation ou non, continue à travers ses disques à détailler la toponymie des ombres, nous le suivrons encore, avec le plus grand plaisir.

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   MR. AMEFORGÉE

 
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- Matt Elliott (programmation, instruments)


1. Anhedonia
2. Standard Deviation
3. Pareidolia
4. Closure
5. If You Treat Us All Like Terrorists We Will Become



             



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