Il y a des sujets dont on ne parle jamais. Le Groënland par exemple. Oui bien sûr, la fonte des glaces, toussa toussa. Mais des 50 000 habitants de ce pays, que connaît-on ? Attendez, ne partez pas tout de suite ! Ce n'est pas tout ! Le sort des Écossais dans la guerre Mexicano-Américaine de 1846-48, qui s'en soucie ? Tout comme la triste histoire de ces colons tout droit venus de la terre de William Wallace, qui tentèrent d'établir une colonie à Panama en 1696 et moururent, affaiblis par la maladie et usés par les coups de boutoir des Espagnols, dans l'indifférence la plus totale et abandonnés par la couronne britannique ? Oui, il est vrai qu'en dîner, aborder l'un de ces sujets entre le coup de gueule politique de papa et la blague sexiste de tonton, cela risque de jeter un froid. Heureusement que Paul McKenna est là pour les traiter pour nous, ne trouvez-vous pas ?

Depuis 2006, ce jeune Écossais et son groupe se font le porte-voix de ces histoires que personne n'aborde, reléguées au rang d'anecdotes dans les livres d'histoire calédoniens. Dans la pure tradition des bardes insulaires à l'accent chatoyant (Dougie MacLean, Christy Moore), l'artiste propose un folk celtique composé de ballades et de complaintes et caractérisé par la prédominance de la guitare acoustique, du violon et de la flûte. Stem the Tide est le deuxième album de ce groupe aux prétention locales mais au potentiel résolument international. L'accent à couper au couteau de ce chanteur à la voix claire et timide participe grandement à la facette « pittoresque » du groupe, qui sied habituellement tant aux Allemands et aux Danois (il semblerait que nous autres, pauvres Gaulois, y restions insensibles...). En mêlant compositions originales, adaptations de traditionnels celtiques et instrumentaux faisant la part belle au bodhran et au bouzouki, le Paul McKenna Band livre une collection de titres marqués par une mélancolie et une conscience sociale de tous les instants. En témoigne le titre le plus mordant de l'album (tout du moins au niveau des paroles), « Silent majority », pamphlet contre ces « majorité silencieuses » qui ont laissé les totalitarismes s'imposer sur les peuples à plusieurs reprises.

Entre jigs dansants (« Guntmar's stolen gummistiefel »), reprises issues du répertoire des voisins irlandais (« The lamb on the green hills ») ou chroniques d'émigrés Écossais fuyant le régime Cromwell (« The banks of Newfoundland », « John Riley »), tout amateur du style pratiqué aura matière à se plonger dans un album foisonnant, à caler entre les albums de Lunasa et de Dougie Maclean. Il fait bon se laisser bercer par ces compositions soyeuses et somme toute traditionnelles (il faut bien l'avouer, il n'y a rien ici de révolutionnaire), qui donnent néanmoins foi en une nouvelle génération d'artistes folk celtique résolument attachés à leurs racine et leur riche patrimoine.

Alors, faites plaisir à Paul McKenna et ses amis. Parlez, lors de votre prochain repas de famille, de la main-mise de Cromwell sur l'Écosse, de la Grande Traversée qui attendait les émigrants, de ces contes de gloire et de désillusion qui constituent un bout de notre histoire commune. Revisiter le passé, à grands coups de violon et de flûtes vindicatives, aide parfois à mieux appréhender le présent. En atteste cet espoir du folk celtique qui propose avec Stem The Tide un album fortement recommandable pour toute personne sensible au genre, ou pour en profiter pour le découvrir. Une bonne surprise que l'on attendait pas, c'est certain !

Note réelle : 3,5/5