Stop ! Juste in instant, arrêtez-vous. Un moment, écoutez le bruissement de la brise estivale dans les feuilles des chênes centenaires, voyez le lézard prendre un bain de soleil sur les rochers séculaires, laissez-vous enivrer par cette contemplation active. Une contemplation vide de sens, ou riche en enseignements ? A vous d'en juger. Allez, ne jouez donc pas les hommes pressés. Nous devons à la Nature bien plus qu'une petite balade dominicale en forêt. Dans un monde post-moderne et bientôt post-apocalyptique, reconnaître un amour, profond et sincère, pour les merveilles de notre génitrice relève au mieux de la folie douce, au pire d'un extrémisme anticapitaliste dangereux. Loin des folklores néo-païens faits de bric et de broc, OMNIA clame pourtant depuis plus de 10 ans son attachement forcené et entier à cette nature bienfaitrice à laquelle le groupe rend hommage sur chacun de ses albums. Un attachement qui relève d'une démarche spirituelle et politisée, concrétisé par un discours faisant appel à la conscience individuelle des individus.

Sur Wolf Love, le groupe hollandais exhortait les êtres humains à faire preuve d'individualisme et de courage, les incitant entreprendre des actions radicales en faveur de la préservation de la Nature. Un paganisme belliqueux, qui contrebalance avec le message bien plus désabusé transmis sur ce nouvel album. Comme sur son précédent opus, le groupe propose un pagan-folk riche en mélodies et en harmonies vocales, faisant appel à la guitare et au piano autant qu'aux instruments traditionnels. Les tempi ainsi que les ambiances se font néanmoins bien plus doux et mélancoliques. OMNIA semble avoir perdu la foi en une rémission de la Nature, et constate son cruel achèvement avec tristesse et rancœur.

Le groupe tente de donner le change, à l'occasion du magnifique morceau « Stand up », envoûtant et fédérateur, ou en reprenant un instrumental dansant et joué depuis longtemps en concert, « Fee ra huri ». Bien moins énergique que Wolf Love, Musick and Poëtree constitue néanmoins un mélange hétéroclite et parfaitement agencé de pièces folk intimistes ou grandiloquentes, mais témoignant toujours d'une grande sensibilité d'écriture et de compositions. Parmi les meilleurs morceaux, notons les compositions originales « I don't speak human », personnification de la Nature, s'adressant de manière hargneuse aux humains destructeurs, « Xtatica » véritable chef-d'œuvre poético-musical que l'on imagine le groupe interpréter, cheveux dans le vent, au sommet d'une montagne brumeuse. Plus profonds et inspirés que sur l'album précédent, les pièces originales de Musick and Poëtree séduisent sans réserves, à l'image de l'instrumental final « Sheebeg Sheemore », dont la harpe éthérée transporte l'auditeur dans un monde apaisant et bienveillant.

Et le groupe de surprendre, en reprenant à son compte le titre « Fuck her gently », de... Tenacious D, lui donnant ici un nouveau sens, bien moins grivois et plus solennel. « Lili Marleen » (Marlène Dietrich) et « Het dorp » (adaptation en hollandais de « La montagne » de Jean Ferrat) complètent cette liste d'hommages, et apportent une substance supplémentaire à un album qui ne manque pas de charmes et d'atouts. Respirez, vivez le moment, et jetez une oreille sur ce nouvel album très recommandable d'un groupe unique sur la scène folk actuelle.

3,5/5