Roi de la guitare slide, monstre sacré de l’âge d’or du blues, Elmore James est un géant. Au cours de sa riche carrière, il n’a cessé de côtoyé les légendes comme Robert Johnson, avant d’en devenir lui-même une. L’œuvre qu’il a laissé a fait école et inspiré de nombreux guitaristes comme Brian Jones, Jimi Hendrix ou Duane Allman. Après avoir écumé pendant des années les routes du sud, il finit par graver un premier succès « Dust My Broom » en 1951 pour le label Trumpet en compagnie de l’harmoniciste Sonny Boy Williamson. Son toucher de guitare fabuleux et puissant, ce sens du rythme si particulier, sa voix rugueuse et passionnée ont forgé le mythe de ce bluesman haut en couleurs.

Ce coffret contient notamment les enregistrements d’Elmore James produits par Mel London du label Chief ainsi que par Bobby Robinson, fondateur de Enjoy, Fury et Fire. Il s’agit de la deuxième partie de carrière du grand Elmo*, ces enregistrements s’étalant entre avril 1957 et février 1963. On retrouve ses plus grands succès, notamment quatre versions différentes de « Dust My Broom », dont celle de 1951 qui introduit le coffret. Ce standard de Robert Johnson pose les bases de son style : un jeu furieux au bottleneck, un chant fiévreux et une utilisation prononcée des basses marchantes.

Ces trois disques somptueux recèlent de nombreux chefs d’œuvre. Tout n’est que passion et émotion à l’état brut. Elmore James interprète en effet des blues orageux habités par une tension dramatique saisissante. « I Need You », « Something Inside Me », « The Sky Is Crying », « It Hurts Me Too » font partie des blues les plus poignants et bouleversants jamais enregistrés.

On retrouve la même intensité dévorante sur des classiques comme « Every Day I Have The Blues ». Elmore James s’approprie avec force les grands standards du blues. Soutenu par une section rythmique endiablée et des cuivres chaleureux, il glisse avec fougue le bottleneck le long des cordes de sa guitare affutée tout en hurlant ses peines et sa douleur de manière très expressive.

Certes, ce coffret très copieux n’est peut-être pas la meilleure porte d’entrée pour découvrir Elmore James**. Mais la monotonie ne fait pas partie de son vocabulaire, même si l’on trouve un certain nombre de variations de « Dust My Broom » comme « My Baby’s Gone » ou « I Believe ». Ces trois disques présentent en effet une œuvre d’une belle diversité ; on passe avec délectation du swing de « Shake Your Moneymaker » à la frénésie de « Stranger Blues » en passant par l’endiablé « Can’t Stop Loving My Baby » ou la reprise de « Standing at the Crossroads », un autre standard de Robert Johnson. Tout sauf tiède, le blues d’Elmore James a un gout de café corsé.

Après avoir investi autant d’énergie dans son art, Elmore James finit par mourir d’une crise cardiaque en 1963, laissant derrière lui l’une des œuvres les plus riches de l’histoire du blues. Plein de génie, il a marqué de son empreinte l’Histoire de la musique populaire américaine.

*La première partie de la carrière d’Elmore James est rassemblée sur le coffret suivant : Elmore James & His Broomdusters-Classic Early Recordings 1951-1956

**La compilation standard pour aborder Elmore James s’intitule The Sky Is Crying : the History Of Elmore James. On y trouve quelques uns de ses plus grands succès.