Sortir un double-album relève tout de même d'une confiance en soi frôlant l'auto-suffisance, ou d'un talent intarissable, constant générateur d'idées nouvelles et convaincantes (cette deuxième possibilité est malheureusement bien plus rare). Alors que ce genre d'initiative relève le plus souvent d'un défi casse-gueule, il relève carrément de l'inconscience lorsque le groupe qui s'en fait l'auteur pratique le speed-folk ! Pour rappel, ce style consiste principalement en un mélange contre-nature entre punk, folk et rock, le tout bien entendu celtique. Imaginez donc un punk celtique (façon The Real McKenzies ou The Pogues) conspué car non contestataire, s'accouplant avec un folk celtique conchié car offrant un rôle prépondérant aux guitares électriques. Bref, WILD COLONIAL BHOYS pratique un genre que tout le monde aime détester, mais que chacun adore. Tout comme ses comparses de Fiddler's Green (auto-proclamés inventeurs du style), le groupe américain, malgré un début de carrière relativement récent (son premier méfait date de 2007) fait lui aussi preuve de cette hyperactivité qui le voit publier avec Heads or Tails son quatrième opus. Et un double, donc.

Alors que le genre pratiqué invite plutôt à la concision, WILD COLONIAL BHOYS prend le pari de convaincre sur plus d'une heure de musique. Et le pari est largement relevé grâce à une musique qui, à défaut d'être originale, se fait rafraîchissante et inspirée. Loin de l'amateurisme pratiqué comme un art par certain de ses comparses, le groupe a mis en œuvre suffisamment de moyens pour proposer une musique aux allures de blockbuster. Entre Flogging Molly, Spirit of The West et Thin Lizzy (l'instrumental « One night in Sheenan's »), Heads or Tails propose de nombreux atouts à même de séduire les plus exigeants. Sur la première face, la rugosité de « Don't change », véritable brûlot rock celtique aux allures de nouveau standard, dissipera rapidement les doutes. Il en va de même pour les plus festifs « Friday night », « Whatchu got for me » ou « No place I'd rather be » qui feront fureur dans les pubs. La voix légèrement éraillée du chanteur Adam Coolong apporte un supplément d'âme à ces titres qui s'insinuent durablement dans l'esprit des auditeurs. Des instruments traditionnels, porteurs de mélodies persistantes, permettent au plus sérieux « Locked away » de conférer une substance à l'ensemble, tandis que les ballades (l'épique « Angry man » dotée d'un formidable duel violon / guitare électrique, ainsi que la plus tendre « Big Tim Fitzgerald ») parachèvent l'œuvre, ce dernier morceau concluant une première face totalement irrésistible.

Et le groupe d'en rajouter une couche supplémentaire avec une deuxième face mettant en avant les instruments acoustiques. Débutant par « Over and over », chant des supporters du club de football des Celtic Glasgow, cette deuxième partie se voit sublimée par une délectable reprise du « Sunday bloody sunday » de U2, à laquelle succède une interprétation moins marquante du « Rock on, Rockall » des emblématiques Wolfe Tones. Du bonheur en pinte, vous dis-je. Évitant l'écueil du remplissage ou de la baisse de régime, WILD COLONIAL BHOYS livre avec Heads or Tails un opus de speedfolk remarquable de bout en bout. Un véritable exploit qui se doit d'être salué. L'occasion d'une découverte en douceur d'un genre musical aux richesses insoupçonnées.


Et un avant-goût : http://www.youtube.com/watch?v=AuvsNVoAWpM