AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

La lecture de la chronique de Once (le film) est un préambule nécessaire pour prendre la pleine mesure de celle-ci : http://fp.nightfall.fr/index.php?idchoix=1927

« Once, cela a été pour moi comme une partie de football avec mon frère. Tu fais des échanges de balle, et d'un coup tu lances ta balle si loin, qu'elle passe au dessus de ton frère, passe au-dessus du mur, part si loin que tu la perds de vue. Et ta première réaction, « Je veux récupérer ma balle ! » est immédiatement anéantie par ce sentiment de fierté qui t'envahit et te fait dire : « Wow, j'ai vraiment réussi à envoyer ma balle aussi loin ? ».

Lorsque Glen Hansard évoque le film musical Once, lors d'un concert avec The Swell Season en 2009, il reste ébahi du succès de ce petit film d'auteur irlandais, tourné sans permis et avec un budget de 150 000 dollars, qui rencontra un succès critique et d'estime au-delà des espoirs les plus fous. L'auteur-compositeur, qui partage l'affiche avec la jeune artiste tchèque Marketa Irglova, reçut en 2008 un Oscar pour le morceau « Falling Slowly », titre-phare du film. La success-story était lancé. Si Glen et Marketa ont continué à jouer de la musique ensemble, puis séparément, le film s'est baladé de festival en festival, ne recevant que des critiques dithyrambiques. Il faut reconnaître qu'au-delà d'une histoire d'amitié et de fusion artistique, Once traite des thèmes de la séparation, de la reconstruction, de l'espoir et des désillusions, thèmes universels par définition. Ainsi, en 2011, le film fait l'objet d'adaptation sous forme de comédie musicale. S'il ne s'agit pas d'un réel événement en soi, le défi (notamment du casting) était de taille, puisqu'il fallait trouver deux acteurs capables de succéder à la performance phénoménale de Glen Hansard et Marketa Irglova.

Le défi de la transposition semble néanmoins relevé, puisque Once – The Musical a, début 2012, récolté tout un tas de récompenses et de prix, avant d'être transféré à Broadway et de connaître un succès phénoménal auprès du public. Cette BO (peut-on l'appeler ainsi ?), reprend la majorité des morceaux du films, interprétés par les acteurs de la comédie musicale. Seuls « Lies », « Fallen from the Sky », « Trying to Pull Myself Away » et « Once » sont écartés, au profit de « Sleeping », morceau issu du premier album de The Swell Season, « The Moon », titre inédit composé par Marketa Irglova, « Abandoned in Bandon », composé pour l'occasion, et « El Pada Pada Rosicka », morceau traditionnel tchèque.

Les deux acteurs ont ainsi la lourde tâche d'interpréter des morceaux déjà chantés (et avec brio !) par Hansard et Irglova. Steve Kazee (le gars) et Cristin Milioti (la fille) s'en sortent avec les honneurs, respectant note pour note les mélodies originales, et parvenant à mêler sobriété et conviction. Bien sûr, les deux acteurs n'ont pas la magnificence vocale de Glen Hansard et la fragilité célèste de Marketa Irglova, mais s'il manque la petite étincelle qui faisait des versions originales de véritables pépites, il y a ici suffisamment de talent et de savoir-faire pour que le charme fonctionne. On redécouvre ainsi avec un bonheur non feint « Leave », « If you want me », « Say it to me now » ou « When your mind's made up » dont la beauté n'est fort heureusement pas écornée par les deux acteurs/chanteurs. Mieux, « Broken Hearted Hoover Fixer Guy », à l'origine légèrement décousu, devient ici un titre folk à la Dylan véritablement délectable.

Et bien sûr, « Falling Slowly » vient, en début et en fin d'album, illuminer l'ensemble, de par ses arpèges douceureuses et ses voix mêlée tout bonnement célestes. Une nouvelle fois, les deux interprètes frôlent la perfecion et manquent tout juste de reproduire l'émotion originelle du morceau. Reste que cette version de « Once » façon Broadway est une véritable surprise musicale, qui parvient à renouveler la forme tout en conservant la beauté du fond. L'ensemble reste, bien entendu, à conseiller uniquement aux amoureux de ce film universel et intemporel.

3,5/5