Petit problème de logique : Simon, 40 ans, est un vieux con passéiste qui ne supporte pas de voir des gens dire «GENESIS avec COLLINS au chant, c'est pas si mal», et réclame carrément la peine de mort pour quiconque dit qu'il existe de bons albums sortis au XXIe siècle ; Lucie, 19 ans, écoute de tout et ne dédaigne en aucun cas la musique sortie en 2012. Qui a raison ? Réponse à la fin de la chronique. En tout cas, une rencontre qui allait être profitable à la musique s'est produite en 2009 : à la faveur d'un concert de BJÖRK et DIRTY PROJECTORS, David BYRNE et Annie CLARK, plus connue sous le pseudo de ST.VINCENT, décident de s'associer pour composer un album commun en suivant la méthode d'envois réciproques de compos par e-mail, comme avec Brian ENO en 2008, et trois ans plus tard, voilà qu'arrive Love This Giant, un album qui est non seulement loin d'être anodin, mais aussi incroyablement bon.

La première chose qui frappe à l'écoute du disque, en dehors de la pochette à l'image du côté excentrique de David BYRNE, c'est bien évidemment que l'album fait la part belle aux cuivres à mi-chemin entre l'Afrobeat et le classicisme occidental, mêlés de manière très intelligente aux boîtes à rythme. De manière générale, ce qui saute aux yeux, c'est la réussite complète et totale de cette combinaison sur tous les titres. Mais si cette association judicieuse et menée de main de maître sert des compos foireuses et un chant insupportable, cela ne sert à rien de s'attarder dessus. Heureusement, si le monde n'est pas parfait, il n'en est pas loin par moments, et de facto il suffit juste de constater que les deux chanteurs-guitaristes accomplissent des performances exceptionnelles, en plus d'avoir un super songwriting, même s'il faut regretter l'alternance du chant principal en lieu et place de vrais duos, qui y sont minoritaires.

Toutefois, quelle que soit la chanson, le résultat est le même : tout est mis en place pour faire taper du pied de manière énergique, et si ST.VINCENT sait séduire de par sa voix savoureuse bien que ne se distançant que peu de la concurrence, celle de BYRNE constitue une vraie surprise, surtout pour qui s'est arrêté aux TALKING HEADS période Remain In Light, tellement elle n'a pas vieilli ! Il n'y a qu'à écouter le lancinant "I Am An Ape", ou encore "I Should Watch TV", assurément redoutable et efficace. L'ambiance générale qui prédomine sur l'album est relativement calme, il y a du rythme sans excitation particulière, à part "Lazarus" et "The One Who Broke Your Heart", dont le caractère dansant est exemplaire, même si c'est pas demain la veille qu'ils seront passés en boite, pour sûr. Et ce qui fait vraiment plaisir, c'est l'absence de remplissage inutile ou de chanson discordante : même "Optimist", le morceau le plus calibré mainstream dans son écriture, fait honneur au reste du disque. Il n'y a guère que "Outside Of Space And Time" qui ne fait pas honneur à son rang, mais étant le dernier morceau, ça passe sans problèmes.

Love This Giant ne peut être considéré comme une bonne surprise, un album excellent sur lequel il fait bon se pencher quand on cherche à passer un agréable moment. Non, il est plus que ça, il s'agit clairement d'une oeuvre majeure qui est appelée à marquer durablement le paysage musical actuel et devenir une référence, c'est tout le mal qu'on lui souhaite. Quant au Simon dont il était question, il ratera un super album à cause de son passéisme outrancier, tant pis pour lui !

Note réelle : 4,75/5