Que pouvait-on attendre de Florence + The Machine en 2015 ? Un nouvel album, tout simplement. Le précédent album de la formation (qu'on assimile trop souvent à Florence Welch), Ceremonials (2011), avait confirmé qu'on tenait là un groupe destiné à devenir majeur en ce début de nouveau siècle. Mais si l'on est désormais habitué à ne plus voir de groupe sortir de nouvel opus avant 2-3 ans, il tardait de voir le troisième album du groupe, qui pointe finalement le bout de son nez en juin 2015.

How Big, How Blue, How Beautiful (qu'on va abréger en HBHBHB) est un album qui se fait en quelque sorte l'écho d'une période pas forcément jojo pour Welch. La chanteuse a entre autres subi des pressions à la suite de Ceremonials, ce qui l'a conduit à prendre une grosse pause. Une bonne chose de faite, et l'écriture des chansons s'en ressent. HBHBHB se veut en effet plus intimiste encore que les précédents efforts du groupe, ce qui implique donc une dimension plus profonde et mélancolique.

Qu'on se rassure cependant, HBHBHB n'est pas un album neurasthénique usant et abusant de facilités liées à ce choix, non. Florence + The Machine a l'intelligence de proposer une pop toujours aussi « unique » (avec cependant moins de cordes et d'arrangements que sur Ceremonials), et qui vise une exigence artistique des plus nobles. C'est dans cette veine que l'on trouve des morceaux élégiaques et à la lente grâce, comme le morceau-titre, sobre mais concis, et surtout le minimaliste "St Jude", assurément une pépite dans la discographie du groupe. Quand bien même on n'aime pas du tout Florence + The Machine, il serait de mauvaise foi que de dire que Welch et ses compères ont versé dans la paresse de l'écriture facile et l'écueil d'une interprétation fade – et la production, crévindiou !

HBHBHB n'est pas seulement constitué de ce genre de « ballade » art pop, par contre. Des morceaux comme "Ship to Wreck", "Third Eye" ou "Mother" font état d'une pop rapide et limite dansante, et qui sont terriblement catchy. Enfin, pop... cela vaut-il pour "Mother "et son ton assez blues ? Mais le meilleur est atteint avec "What Kind of Man" : bien que présentant des éléments musicaux (notamment le riff de guitare) classiques, la portée cathartique est de mise pour une chanson forte et intense. Welch s'y montre impériale comme jamais, et rappelle à quel point cette chanteuse est exceptionnelle.

Assurément, HBHBHB est déjà à considérer comme l'un des albums de l'année. Mais est-il quasi-parfait de bout en bout ? Non. Certaines longueurs sont à déplorer, surtout sur le morceau-titre et "Mother" qui s'éternisent. D'autre part, si la qualité est toujours au rendez-vous, cela n'empêche pas certaines chansons d'être moins marquantes ("Delilah", "Caught"). La Machine ne serait-elle pas capable de fournir 11 (dans la version standard) tueries d'affilée ? Possible, et c'est dommage d'avoir au final un album fort long (48 minutes).

HBHBHB, en fin de compte, se poserait en troisième album confirmant le talent de Florence + The Machine, si ce dernier n'avait déjà pas explosé sur Ceremonials. En revanche, il permet d'instaurer définitivement le groupe à la rousse chanteuse comme une figure de proue de ce qui se fait de mieux en pop, c'est un fait indéniable. Inutile de facto d'ajouter qu'on attend impatiemment la suite, n'est-ce pas ?