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JAZZ-ROCK / MODERN JAZZ  |  STUDIO

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2005 Viaticum
2008 Leucocyte
2012 1 301
 

- Style : Tingvall Trio

ESBJÖRN SVENSSON TRIO - Leucocyte (2008)
Par STREETCLEANER le 2 Janvier 2013          Consultée 3299 fois

Leucocyte est l'exemple même d'une orientation prise qui divisera incontestablement le public d'E.S.T. Premier reproche aux yeux de certains, ceux qui sont les plus puristes s'entend : l'électronique et ses effets, dont l'utilisation déjà remarquée dans le passé va ici s'inviter de manière vraiment visible, impossible de ne pas la remarquer. En sus de cela, voilà que le trio suédois se permet de marcher sur les terres du rock, et pas qu'un peu ! Et enfin, non contente de s'éloigner en partie des canons classiques du genre, la formation d'Esbjörn Svensson nous fait emprunter des routes grimpantes, ou ravinées et obscures. On ressort quasiment hallucinés de l'écoute de ce Leucocyte, et sa fin est d'autant plus terrifiante lorsque l'on sait qu'il s'agit là d'un album posthume, sorti peu de temps après le décès de Svensson. Il suffit d'ailleurs de regarder la pochette pour comprendre le trend ou la direction de l'album : l'album se clôt sur une vraie fin, inéluctable, inexorable, désespérante, impossible de ne pas faire le parallèle avec la fin de Svensson, la mort d'un être humain et corrélativement celle d'un monde, d'un univers.

A l'écoute de In A Silent Way de Miles Davis (1969) on ne pouvait échapper à ce parti pris de jouer avec la réverbération et le delay (effets d'échos). Avec Leucocyte on a quasiment l'impression d'avoir affaire à un album de dub (« Premonition », « Still »)... La liberté d'interaction des instruments, une production lumineuse, le soin accordé aux effets sonores, le scintillement et le timbre très pur des instruments sur In A Silent Way influencera d'ailleurs les productions du label de Manfred Eicher, ECM. Ici, en accentuant, voire même en exagérant la réverbération et les effets d'échos sur Leucocyte, le trio suédois en arrive parfois à une sensation de saturation des sonorités et timbres, et il en ressort vraiment une atmosphère très spéciale, on pense au piano, qui perd de son humanité et semble alors être l'hôte d'un surprenant monde parallèle, un monde que l'on pourrait qualifier de spectral (« Premonition - Earth », « Still »). On en vient à douter que le pianiste soit vraiment parmi nous d'ailleurs...

Si Leucocyte ne comprend que sept titres, deux d'entre-eux dépassent allègrement les vingt minutes : « Premonition » et « Leucocyte ». « Premonition » n'est en réalité rien d'autre qu'un monumental et jouissif morceau de jazz-rock. La contrebasse nous hypnotise de ses ostinatos boisés imposants alors que la tension monte progressivement pour en arriver à un sommet de déchaînement d'énergie. Le piano spectral s'efface peu à peu sous la présence écrasante et monstrueuse de la batterie, résolument rock, qui s'accapare alors la quasi-totalité de l'espace sous forme de rafales implacables. Ce n'est pas du rock ? Il n'y a pas de guitare chez E.S.T ? Pas de problème, l'électronique et le transistor s'y substituent. Voilà comment un morceau de jazz qui commençait plutôt de manière prévisible, comme une ballade tranquille, se termine carrément en déluge digne des expériences jusqu'au-boutistes post-punk ! De telles incursions risquent d'être autant un repoussoir pour le puriste que le free jazz le fut à l’époque avec la clientèle bop ou hard bop...

L'entrée en matière de « Leucocyte » est quant à elle empreinte d'une lourdeur quasi pachydermique dans une veine doom/heavy metal. Là encore le transistor fait office de guitare. Le chemin assoupissant de « Still », l’intermède mélancolique de « Ajar » sont vite oubliés. La voie ouverte par « Leucocyte – Ab Initio » contraste par sa volonté de nous emmener sur des terres mouvementées, désolées et arides, la suite « Ad Mortem », avec ses voix spectrales et torturées, nous plonge dans quelque décor ténébreux dont on sait déjà qu'il n'aura pas d'issue. Rien de jazz là-dedans, plus une expérience post-rock et noisy. Et surtout une inexorable sensation d'avoir été plongé dans un lieu maudit oublié de tous, dans un monde où vivent de probables créatures errantes extraterrestres. C’est hallucinant. Un vrai décor de ruine semble ensuite émerger de la brume « Ad Infinitum », dans une dernière vision de fin du monde …

Leucocyte s’avère être une expérience très particulière et en même temps véritablement prenante. Est-ce encore du jazz ? Difficile à dire. A la croisée de l’électronique, du jazz, du rock, du metal, du post-rock, Leucocyte s’avère être probablement plus post-jazz que jazz, à l’instar du dernier Molvaer, Baboon Moon. Et peu importe au fond l’étiquette, Leucocyte est indéniablement un album exceptionnel et original, avec un groupe au sommet de sa créativité. Leucocyte emportera dans ses visions l’auditeur avec la facilité et l’irrésistibilité d’un vortex temporel. Une expérience en somme toute hallucinatoire…

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   STREETCLEANER

 
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- Esbjörn Svensson (piano)
- Dann Berglund (contrebasse)
- Magnus Öström (batterie)


1. Decade
2. Premonition - Earth
3. Premonition - Contorted
4. Jazz
5. Still
6. Ajar
7. Leucocyte
- leucocyte - Ab Initio
- leucocyte - Ad Interim
- leucocyte - Ad Mortem
- leucocyte - Ad Infinitum



             



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