Forcément, l'effet d'annonce est costaud. FLEA, fabuleux bassiste mastodonte des RED HOT, qui s'associe avec Nigel GODRICH le producteur le plus hype de la décennie écoulée (ici aux claviers), Joey WARONKER qui a abîmé ses fûts du côté de BECK et R.E.M, et enfin Thom YORKE qu'on ne présente plus. Attention les mecs, ça va remuer dans les tympans.

Ce projet est à l'initiative de YORKE, qui a joué avec ces musicos lors de la tournée liée à son album solo The Eraser. Pour cet album, il est venu avec des bidouillages électroniques, que le groupe a tenté de reproduire sur des instruments, pour créer ces morceaux entre chien et loup, où on ne sait pas si c'est une machine ou une personne qui joue, comme sur l'excellent A Different Ship de HERE WE GO MAGIC, récemment produit par GODRICH.

Quand on connaît le genre de bidouillages que YORKE affectionne, on peut espérer (Kid A) ou craindre (King of Limbs).

L'espoir sera vite douché.

On le sait, tous les musiciens aujourd'hui arrangent, créent, produisent chez eux, sur leur ordi. On peut facilement imaginer que FLEA, pour se changer des grosses lignes de basse puissantes jouées dans les stades depuis 20 ans, s'éclate à manipuler les beats sur un Mac. Et on sait que YORKE a toujours adoré ça. Il le disait lui-même "je construis des sons, mais je suis condamné à faire des chansons, à mon corps défendant" (traduction approximative d'une lointaine interview).

Eh oui, Thom ! Des chansons. Un truc construit. Ce que RADIOHEAD a fait, à sa façon (complexe, ambitieuse) pendant 15 ans. C'est ce qu'on aime, et c'est l'exercice le plus difficile qui soit. Etre simple et accessible, tout en étant ambitieux et original.

Hélas, Amok n'est rien d'autre qu'une succession d'intros, si on caricature un brin. Un petit gimmick rythmique, trois notes nerveuses répétitives, une phrase mélodique et basta... Refrain ? Bridge ? Rupture ? Accroche ? Non, non, ça c'est pour les beaufs. Pour le peuple. Môssieur YORKE est un artiste qui élabore les sons du XXIème siècle, on est prié d'admirer l'avant-gardisme.

Sauf que ce n'est pas avant-gardiste pour un sou. C'est chiant. L'électronique et ses boucles ne parlent qu'à eux-mêmes. Exemple avec "Stuck Together Pieces", ligne de basse bien sentie, chant discret, on prête l'oreille. Et flop. FLEA ne jouera pas d'autres notes que cette ligne là, la boîte à rythmes ne fera rien d'excitant. Légère superposition d'autres claviers en fin de morceau, mais trop tard, on dort déjà. Sur "Default", le motif entêtant qui bourdonne file... le bourdon. Avec "Unless" c'est carrément la déprime qui guette. Mais que font un batteur et un bassiste dans cette aventure où règnent des sons étriqués et neurasthéniques ? A quel moment est-on censé ressentir le plaisir de jouer de ces gars ? De la part de jeunes étudiants en électronique, on aurait pu trouver ça intéressant. De la part de grands musiciens, ça laisse interdit.

Pourtant, il y aurait eu des raisons de planer, rêver, tripper. Partout sur ce disque se trouvent des chœurs, des beats, des nappes saisissants... "Before Your Very Eyes" est même une réussite - un refrain y trouve sa place, les variations donnent envie d'écouter jusqu'au bout, une beauté triste s'en dégage. C'est bien maigre pour un album qui avait suscité autant d'attentes.

Les mordus d'ambient/electro y trouveront sans doute des sources de bonheur, les autres risquent une belle déception.