L'enthousiasme ébouriffant des (très nombreux) jeunes groupes de rock et punk-rock celtique parvient à nous faire oublier que le style se mord la queue. A chaque coup, c'est systématique. Tout gros consommateur que l'on soit, le passion et l'énergie que déploient les jeunes formations ne peuvent laisser insensible et réussir à blaser. C'est peut-être là une preuve de faiblesse que de prendre ainsi de front les sorties et les apprécier pour ce qu'elles sont, sans envisager une seconde leur absence pourtant flagrant d'impact historique, en comparaison avec les grands noms du genre, mais l'hédonisme a du bon parfois. Il permet par exemple, de se ramasser en pleine face ce nouvel album, le deuxième, des FATTY FARMERS, et de s'extasier comme un jeunot qui découvre la vie et ses plaisirs. Apprécier les choses pour ce qu'elles sont, sans leur prêter des prétentions qu'elles n'ont pas, ça fait du bien, merde.

Vous l'aurez compris, les FATTY FARMERS n'ont aucunement envie de révolutionner le genre. Tout juste de le dépoussiérer un peu, en apportant une fraîcheur et des influences ska surprenantes et bienvenues. Le groupe espagnol n'en est pas à son coup d'essai, et affine son rock-punk celtique en lui accordant plus de profondeur thématique et musicale. Les huit têtes de simplets qui ornent la pochette de l'album renferment des caboches bien pleines, de celles qui sont capables de vous scotcher par le biais d'un titre, comme ça, de but en blanc. Ce titre, c'est « No more woman you'll kill » qui a la lourde tâche d'ouvrir l'album. Pas vraiment punk, mais fondamentalement rock, ce morceau transpire l'urgence et témoigne d'un sens inné de la mélodie. Les instruments folk (le violon, la flûte) accompagnent les guitares électriques et le chant parfaitement en place sur ce titre consacré aux violences conjugales, et doté de paroles saisissantes. L'anglais manié par les Espagnols et parfois approximatif, tant au niveau littéraire que de l'accent du chanteur Rodri qui peut prêter à sourire, mais cette légère fébrilité apporte finalement une authenticité et une émotion bien plus grande à ce morceau à considérer comme un véritable petit chef-d'oeuvre en soi.

Si les ostensibles références à Flogging Molly, auquel les FATTY FARMERS sont souvent associés, se font évidentes dès le deuxième morceau, « 21 blackjack », on ne s'arrête pas à cela, d'autant plus que le groupe a bien plus à proposer, que ce soit sur l'instrumental ska-rock « Sraka dupa » ou sur la ballade « Rather die than forget », qui traite avec beauté et tendresse de la maladie d'Alzheimer. Les morceaux les plus festifs renvoient à des références plus modernes, à l'image de « Next sunday we'll be back again », qui rappelle les Paddy And the Rats. Reste que le travail du violon, qui virevolte et se fait porteur de mélodies convaincantes (l'intro de « With head held high ») se fait particulièrement décisif dans la capacité à l'album à convaincre sans décevoir un seul instant. La flûte, elle aussi, joue un rôle important, et participe à la réussite de morceaux tels que « Hat cannot be forever », ballade sur lesquelles les intonations à la Flogging Molly se font évidentes.

Il y a du superflu, bien sûr, à l'image du final « Johnny techno ska », sorte de ska-punk-electro rock totalement déjanté, prétexte semble-t-il à un bon moment de déconnade entre les musiciens. Mais le « mal » est fait : les FATTY FARMERS ont frappé fort, et livrent (eux aussi!) un album délectable du bout en bout, qui porte haut les couleurs d'un punk-rock celtique qui, décidément, n'a de cesse de générer des vocations. Chaudement recommandable !