Le temps s'accélère. Tout va plus vite, plus loin, plus fort, comme dirait Olivier Minne dans Fort Boyard. Paradoxalement, ou logiquement, le sentiment de nostalgie se fait de plus en plus prégnant. On ressort des coffrets de vieux dessins animés, on envoie en tournée les idoles mitées de notre enfance, on vante les mérites du fait « comme avant ». Le temps manque. Même plus le temps d'écouter correctement un album, tant les sorties s'enchaînent (car sachez-le, les chroniqueurs que nous sommes écoutons à peine plus de 3 morceaux d'un album avant de gribouiller nos papiers). Parfois, donc, il faut laisser du temps au temps, comme le dit si bien le poète Didier Barbelivien.

Ainsi, House of Leaf est un album qui invite à la nostalgie. A la mélancolie aussi. C'est vrai, l'album ne propose que 3 morceaux de plus que l'EP paru en 2011, mais il donne la savoureuse impression d'avoir affaire à une œuvre pleine et entière. Il fait bon se mettre en pause pour écouter cet album enfanté par le chanteur et guitariste suédois Leif Sundin, qui offre une musique pétrie d'influences américaines. Le rock très folk du bonhomme évoque les grands espaces, la solitude, le bien être face à un soleil couchant dans les Rocheuses.

House of Leaf provoque un bien-être apaisant. Les thèmes ne prêtent pourtant pas forcément à sourire. Le départ, la séparation, la perte de choses qui nous sont chères, autant de thèmes qui offrent pourtant à l'album une chaleur dans laquelle on s'enroule, comme dans une couette accueillante. A la démesure toute relative de « Wrongs to right », s'oppose la tendresse délicate et intimiste de « Rainy day song », ballade blues porté par le chant parfaitement maîtrisé de l'artiste expérimenté. Dans la lignée d'un The Union, HOUSE OF LEAF déshabille le blues pour le réduire à sa plus simple expression, et aller ainsi chercher l'émotion au cœur même de la musique, faisant fi des artifices et des arrangements.

Des influences pop-rock, apportées par les morceaux non présents sur l'EP (« That train just left », « Under a broken sky ») se font porteuses d'une variété supplémentaire et confirment que, décidément, Leif Sundin peut tout chanter. C'est néanmoins sur les titres les plus « recherchés » que le bonhomme se fait le plus convaincant. Le blues suintant, réflexif et riche en émotion de « Wash away yesterday » s'impose de lui-même comme une pièce-maîtresse de l'album, agrémenté d'un solo de guitare bluffant et de cette rythmique, pesante et progressive en intensité, qui le transforme en véritable moment de bonheur. Il en va de même pour « Out of my head », tendre ballade folk-rock empreinte d'une fausse légèreté, et pour finalement la majorité d'un album qui ne souffre d'aucune faiblesse à l'exception de sa courte durée.

Voué à l'anonymat, car non distribué en dehors des plateformes de téléchargement, HOUSE OF LEAF ne mérite pas la reconnaissance de ses pairs ou du grand public. Il mérite simplement qu'un auditeur ou deux prenne le temps de l'écouter, téléphone éteint, ordinateur fermé, pendant une petite quarantaine de minutes. En entrant par la petite porte, voici un album qui peut faire un miracle : celui de nous faire savourer le temps.